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Les 48 heures qui ont changé la donne du drive-to-store

Symbolisée par les annonces récentes de Leclerc et Carrefour, la transition vers l’ère du « post-prospectus papier » est lancée. Mais dans le contexte actuel, hors de question pour les précurseurs de sacrifier le trafic généré en point de vente. La clé pour eux est d’optimiser finement la bascule budgétaire en fonction des besoins des magasins et de leurs clients. Et donc d’intégrer dans leur mix la digitalisation du prospectus et des solutions de drive-to-store.

Drive-to-Store : Prospectus ou Digital ?

48 heures. C’est dans cet intervalle de temps, en décembre dernier, que s’est joué l’avenir du prospectus publicitaire en France. Le temps pour Michel-Edouard Leclerc d’annoncer l’arrêt d’ici septembre 2023 de la distribution en boîtes aux lettres de ses 50 000 tonnes d’imprimés publicitaires annuels… et pour Rami Baitieh de lui emboîter le pas en misant sur une réduction de 80% d’ici à 2024 des prospectus distribués par Carrefour France.

C’est donc plus de 200 M€ qui vont être désinvestis par ces deux géants. Les décisions de leurs concurrents (-30% pour Système U, 240 magasins sans prospectus et une réduction générale des paginations pour Intermarché) et celles d’autres acteurs du retail, moins médiatiques mais également actifs sur le sujet vont s’ajouter à cette enveloppe potentielle.

Si ces annonces font grincer des dents dans un secteur (impression, distribution en boîtes aux lettres) déjà en difficulté depuis plusieurs années, d’autres acteurs se frottent les mains face à cette manne financière. En effet, une partie significative devrait être réinvestie en communication publicitaire / promotionnelle sous d’autres formes. Parmi eux, une douzaine d’acteurs dits de « drive-to-store » proposent des solutions pour maintenir une visibilité et un trafic en point de vente comparables à ceux du prospectus. Des solutions certes pertinentes, mais qui doivent être pilotées intelligemment et ne peuvent être à elles seules le substitut unique du prospectus.

Les raisons du désamour

Si Michel-Edouard Leclerc reconnait que sa première annonce dès 2010 d’une suppression des prospectus à l’horizon 2020 était « naïve », le contexte a changé depuis, pour 4 raisons principales :

1/ Le coût du papier, certes historiquement cyclique, a atteint des sommets fin 2022, presque au double de son niveau moyen de la période 2018-2021. Et si nos clients ont obtenu pour 2023 des baisses tarifaires significatives, peu misent sur des prix durablement bas. Ajoutez-y des coûts d’impression et de transport en forte hausse, et vous obtenez un coût qui dépasse les 10 centimes d’euros par prospectus pour la plupart des enseignes. Le chiffre peut sembler faible, mais il correspond à un budget annuel au-delà des 100 M€ pour les principaux distributeurs en raison des volumes nécessaires pour couvrir les zones de chalandise.

2/ La fermeture progressive des boîtes aux lettres par le Stop Pub (+2 à 3% par an) et le Oui Pub (2,6 millions de BàL concernées par le pilote en cours).

3/ La défiance accrue des consommateurs vis-à-vis du prospectus papier, perçu comme peu écologique.

4/ L’émergence d’une multitude de solutions alternatives, notamment online, permettant de proposer au consommateur le contenu du prospectus, mais pas seulement – nous y reviendrons. Au point que 83% des annonceurs font aujourd’hui confiance au digital pour compenser l’érosion de la distribution en boîtes aux lettres.

Pour autant, tous ne s’aligneront pas sur la position du leader Leclerc et beaucoup maintiendront des prospectus comme arme de différenciation. Pour eux, la clé sera d’optimiser la répartition de ces tracts – nécessairement plus coûteux – entre les points de vente et entre les zones, en s’appuyant sur des modélisations et un géomarketing performants.

prospectus

La réduction du prospectus, risque ou opportunité ?

Traditionnellement, de nombreux annonceurs du retail ont construit leur plan de communication autour :

  • Des grands media pilotés au national,
  • Des leviers digitaux principalement achetés nationalement et peu différenciés entre les points de vente,
  • De catalogues/prospectus/tracts conçus au national (voire en régions), avec une autonomie donnée au réseau dans le choix des zones à distribuer, voire parfois même dans la définition des quantités,
  • A la marge, de kits de communication locale personnalisés au point de vente mais le plus souvent réservés à des évènements ponctuels (ouverture, anniversaire, …)

La réduction ou suppression des supports papier est donc à la fois un challenge et une opportunité.

Un challenge, car elle crée un sentiment d’inquiétude pour le réseau de points de vente qui – certes conscient des limites de la distribution des imprimés publicitaires – perçoit souvent le prospectus comme « son » outil de communication locale… alors que les canaux digitaux sont vus comme moins tangibles (« on ne les voit pas passer ») et moins ciblés géographiquement. Ceux qui franchissent le cap y vont donc « avec la peur au ventre », comme en témoigne Jean-Claude Pénicaud, adhérent Leclerc à Luçon.

Une opportunité, car les solutions et canaux digitaux présentent plusieurs points forts, en permettant de :

  • Compenser en bonne partie la perte de reach (le nombre de consommateurs touchés) causée par la réduction de la distribution, en s’adaptant aux nouveaux parcours clients toujours plus omnicanaux,
  • Mieux répondre aux exigences des consommateurs en termes de personnalisation des offres et services,
  • Maintenir un bon niveau de ciblage géographique et donc rassurer les points de vente sur la maîtrise de leur zone de chalandise,
  • Garantir une visibilité mesurable,
  • Générer des économies dans bon nombre de cas, grâce à un pilotage efficace de la bascule budgétaire du papier vers le digital.

Les acteurs du drive-to-store multi-local

Pour cocher ces cases, des acteurs se sont spécialisés dans l’utilisation des budgets digitaux en développant une expertise dite de « drive-to-store multi-local ».

Drive-to-store ? Ce nom chapeau regroupe l’ensemble des actions marketing diffusées sur le web et en mobile pour attirer les consommateurs en point de vente.
Multi-local ? Il s’agit d’optimiser l’achat media digital en le personnalisant au niveau local, souvent par point de vente ou groupe de points de vente.
A date, une douzaine d’acteurs émerge sur le marché français : Near, Armis, Bonial Reach, Widely, Adot, ShopFully, … D’abord marginales, souvent retoquées par la CNIL dans leurs jeunes années, ces solutions ont gagné en crédibilité et certains annonceurs n’hésitent plus à leur confier plusieurs millions d’euros d’achat media digital.

Acteurs drve-to-store

Si l’objectif est le même, ces solutions différencient leur positionnement et mettent en avant leurs singularités :

  • Le pilotage de la solution : certaines sont des solutions clé-en-main à destination de l’annonceur ou de son agence media, d’autres requièrent un accompagnement ou un pilotage par le prestataire.
  • Le ciblage géographique : leur grande force, mais avec une précision variable en fonction de la technologie de localisation utilisée (GPS, Bluetooth, Wifi). Les prestataires proposent ensuite une diffusion en rayon autour du point de vente, par isochronie et/ou à l’IRIS.
  • L’expertise data : la qualité de la donnée utilisée et leur capacité à optimiser le ciblage/la diffusion en cours de campagne.
  • Les inventaires media : si toutes proposent une combinaison de SEA, display et publicité payante sur les réseaux sociaux, elles se différencient par les réseaux couverts et l’inventaire display disponible.
  • Les KPI suivis et le type de mesure : la mesure peut être réalisée par le prestataire ou via un tiers de confiance (Adsquare, LiveRamp, Kairos fire, Retency, …) ; les KPI sélectionnés doivent permettre de comparer la performance avec d’autres régies digitales ou d’autres media.
  • D’autres points de différenciation plus tactiques : formats proposés et créas, identification des cibles affinitaires, optimisation des produits/offres relayés, qualité des reporting, …

Une bascule nécessairement multicanale pour un drive-to-store performant

Ces solutions peuvent apporter une réelle valeur ajoutée. Mais elles ne peuvent répondre seules à la problématique de la génération de trafic et de remplacement de leviers « mass market » comme le prospectus.

L’annonceur doit donc sélectionner des canaux générateurs de trafic à activer. D’une part, des canaux en propre : fiche point de vente Google My business, pages point de vente sur les réseaux sociaux, site web – notamment via des services (store locator, prise de rendez-vous, click & collect, …), CRM, SEO. D’autre part, des canaux payants : SEA (Google Ads, …), publicités localisées sur les réseaux sociaux (Facebook Ads, …), display, SMS, …

PILOTER

Pour aller plus loin, nous recommandons de piloter finement cette bascule budgétaire.

Pour ce faire, il est clé de comprendre les profils de chaque magasin : l’appétence au digital, la dépendance au prospectus papier ou à la promo, la situation concurrentielle, etc. En effet, pourquoi ne pas profiter de l’essoufflement de leviers « mass-market » comme le prospectus pour répondre plus précisément aux besoins des points de vente ? En fonction du nombre de magasins, cette personnalisation peut passer par une segmentation ad-hoc du parc, ou par une modélisation sur-mesure au magasin.

Dans un 2ème temps, l’annonceur doit remettre à plat les kits de communication proposés au point de vente, en sélectionnant les meilleurs canaux pour chacun. Reste ensuite à optimiser le budget attribué à chaque canal – dont l’annonceur doit négocier le coût en parallèle. Il s’agit alors d’obtenir un gain de performance à iso-budget ou de maintenir un trafic stable en générant des économies.

Enfin, les enseignes les plus avancées profiteront de cette démarche pour prendre de la hauteur. Pour cela, il s’agit d’abord pour elles de mener une réflexion sur leur générosité globale – promotionnelle et fidélisation – quitte à déplacer le curseur si la fid présente un meilleur bilan. Ensuite, il s’agit d’élargir leur palette avec des dispositifs innovants, comme la promotion gamifiée (Carrefour x Untie Nots) ou des bons plans locaux (Mr Bricolage x Achille).

La transition est donc en marche ! Les retailers n’ont pas attendu la généralisation probable du dispositif Oui pub pour prendre des mesures drastiques. La grande distribution en tête, suivie un peu plus loin par une partie de la distribution spécialisée.

48 heures ne suffiront pas à trouver le bon équilibre mais nul doute que, cette fois, nous n’attendrons pas 13 ans avant de voir les effets de ce bouleversement !

Illustrations : Viki Mmohamad, Arif Kemal Köroğlu, Antoni Shkraba et Lynx partners

Sébastien Floc’h, directeur

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La publicité sur Netflix : saison 1

Le paysage audiovisuel français a été secoué ces dernières semaines. Plus que les grilles de rentrée 2022/2023 et le conflit entre Canal+ et TF1, 2 événements ont particulièrement retenu notre attention.
D’abord, le feuilleton TF1/M6 vient de se terminer par l’abandon du projet de fusion (et un changement de direction pour TF1 et des projets de revente finalement abandonnés pour M6). Ensuite et surtout, l’arrivée de la publicité sur la plateforme Netflix dès novembre prochain. Une offre qui inspire mais qui pose aussi des questions de fond sur la mesure et l’audience. Alors, faut-il y investir ?

Ce qui est rare est précieux

Les tarifs publicitaires communiqués par Netflix pour la France s’inspirent de l’adage : “ce qui est rare est précieux”. Autrement dit ici, « cher ». La tarification annoncée est de 49€ du CPM en 30s, coût qui pourra varier selon les options de ciblage sélectionnées. Avec de surcroît un ticket d’entrée annuel minimum à prévoir. C’est près de 3 fois plus cher que le CPM en VOL, et jusqu’à 10 fois plus cher que la TV linéaire. L’offre est donc segmentante, à moins que l’annonceur y voit un coup RP pour témoigner de l’innovation de sa communication.
En effet, à ce stade, les données liées à la cible sont encore floues. Qui seront les abonnés touchés ? Qui seront les souscripteurs à cette offre « dégradée » contre une remise sur leur abonnement ? Cette cible sera-t-elle (encore) premium ?
D’un autre côté, malgré les incertitudes sur le profil de l’audience, il apparait qu’il s’agira probablement d’une cible qui consomme moins que la moyenne la TV linéaire. Cela peut avoir un intérêt en complément d’un plan TV pour augmenter la couverture sur la cible, rôle que jouent aujourd’hui la VOL, le display voire la TV segmentée.
En fonction de ces éléments, alors la compétitivité du CPM, qui va évoluer, pourra être rediscutée.

Seul ce qui se mesure a de la valeur

La valeur de l’écrin se paye, en media comme ailleurs. C’est vrai pour Netflix, avec les limites évoquées précédemment, mais ca l’est aussi tout autant pour l’ensemble des media. Les meilleurs emplacements se négocient de moins en moins (écrans en prime time sur les chaines hertziennes, emplacements préférentiels en presse, …) au contraire du reste des inventaires. Netflix capitalise aussi sur le format vidéo qui est indiscutablement celui qui concentre aujourd’hui la majorité des investissements hors SEA.
Cependant, il nous parait impératif que Netflix apporte des réponses, avec transparence, aux sujets attendus : profil du spectateur, audience, capacité de ciblage, brand safety, qualité du reporting… Pourtant, à ce stade, Netflix n’envisage de faire appel à aucun tiers certificateur avant plusieurs mois (2024 est évoquée). Ces données sont pourtant clés afin d’apporter des éléments de réassurance aux acteurs du marché. Elles sont d’ailleurs déjà unanimement réclamées par les régies TV et par l’UDM afin d’éclairer la compétitivité de l’offre Netflix versus celles déjà proposées par les régies du marché.

Cela ne présume en rien du succès commercial de l’offre de lancement de Netflix (finalement, les annonceurs ont vite pardonné à Facebook les approximations ou manipulations de KPIs de performance de campagne). Mais à plus long terme, les annonceurs qui souhaitent investir sur ce type d’offres devront revoir leur stratégie des moyens et arbitrer entre leurs investissements TV et Digital notamment. Dans ce contexte, même s’il faut innover pour se différencier, comment réaliser des choix éclairés sans data ?

Illustrations : Dima Solomin

Benjamin Saguès, directeur

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L’innovation pour vous…  | Interview de Luc Suykens

Professionnel du Marketing depuis 35 ans, CEO et Vice-Chairman de l’association “United Brands Association” en Belgique, cet ancien Harley Procter Brand Vice-president France-Benelux du Marketing de P&G nous livre en exclusivité sa vision passionnante et éclairée de l’innovation et son expérience pour la favoriser dans les entreprises.

Innover dans votre métier c’est ?

Le plus important sur ce sujet de l’innovation est déjà de s’entendre sur sa définition car trop de personnes, et d’entreprises, confondent “innovation” et “invention”. Or la différence est fondamentale : l’invention est avant tout technologique et centrée sur le produit – c’est ce que Xerox en son temps a fait par exemple en inventant “la souris” – alors que l’innovation est anthropologique dans le sens où elle transforme de manière fondamentale et inédite les usages des utilisateurs – c’est ce qu’Apple a fait avec le smartphone, l’ipad, etc… L’innovation n’est innovation que si elle a un impact profond sur le consommateur, si elle apporte une amélioration concrète de sa vie et de ses usages..

Je n’aime pas beaucoup ” la Tech pour la Tech” et regrette que nos salons professionnels mettent trop souvent en lumière des inventions technologiques sous couvert d’innovation. Les inventions technologiques sont indispensables au progrès, mais sans “usecase” elles restent superficielles et ne “décolleront” pas car elles ne sont pas fondamentalement utiles.

Dans nos métiers créatifs du marketing et du digital, innover c’est donc avoir une idée qui transforme l’expérience utilisateur en capitalisant sur l’inventivité technologique de nos sociétés actuelles.

3 moteurs pour innover en entreprise ?

Comprendre les utilisateurs
Pour innover, l’entreprise doit partir des consommateurs et non pas de ses produits. L’essentiel, c’est qu’elle sache comprendre finement chaque consommateur, sa vie, ses besoins, ses contraintes pour imaginer les rôles qu’elle pourrait jouer pour lui, les bénéfices qu’elle pourrait lui apporter. Pour cela, il ne s’agit pas d’observer les consommateurs dans un focus group ni de leur demander ce qu’ils veulent : ils n’en savent rien ! Il s’agit de les appréhender avec de vraies méthodologies d’études issues de l’anthropologie, telle que la méthode “Zaltman Metaphoric Analysis”, et de faire s’exprimer des idées sur des besoins plus ou moins conscients.

Combiner les intelligences
L’innovation ne peut être naitre que de la collaboration multi-fonctionnelle au sein même des entreprises. Il faut combiner les ressentis, les analyses et les idées de différentes personnes et métiers, à la fois en amont dans la phase de compréhension des problématiques et des consommateurs et au moment du développement de la solution ou de l’analyse. Innover, ce n’est pas seulement le métier de la R&D ou du Marketing. Toutes les fonctions de l’entreprise doivent participer. C’est le seul moyen pour qu’elle soit complète, efficace et opérationnelle.

Associer Innovation et Core Business
Si tu innoves en dehors du “core”, “you got a problem” ! Et c’est trop souvent le cas. Si l’innovation ne reflète pas l’ADN de l’entreprise qui la porte, elle ne va pas “se vendre” : il va falloir dépenser des millions pour la rendre crédible, ou être obligé de créer un autre marché, une autre marque, ou même une autre société. C’est une escalade sans fin qui fait perdre beaucoup de temps et d’argent, en plus d’être très risqué.

3 freins à l’innovation en entreprise ?

La culture de l’entreprise
Pendant 17 ans, j’ai été en charge du marketing chez Procter & Gamble pour la France et le Benelux, et tous les 3 ans, au même poste, j’avais un tout autre job, un job que j’avais ré-inventé. Pourquoi ? Parce que j’étais dans une entreprise qui valorise l’innovation et la place au centre de sa performance. Personne ne le dit ouvertement mais si tu es “nervous by change”, on te remplace. Mon équipe n’était pas inquiète s’il y avait des changements, elle l’était s’il n’y en avait pas ! Si l’entreprise ne réorganise pas sans cesse la manière dont elle travaille, elle sera vite dépassée. Pour moi, le 1er frein à l’innovation est donc la culture de l’entreprise qui doit rechercher le changement et avoir en permanence l’appétit de la découverte. Cette culture du changement doit être autant ancrée dans les process de l’entreprise que dans l’état d’esprit de ceux qui la font vivre. Dans trop de sociétés, il faut changer les gens et les process pour changer les choses.

Le faux sujet des budgets
Si l’innovation est en dehors du core business, bien sûr qu’elle va manquer de ressources car il faut toujours arbitrer entre différents budgets. Choisir de financer l’innovation ou le core business est un faux débat, une question qu’on ne devrait même pas se poser. Le manque d’argent est une fausse et une mauvaise excuse, une excuse de fainéant très largement utilisée et je ne l’ai jamais acceptée ! Si tu ne prévois pas de capacités d’innovation dans ton budget principal, alors évidemment tu manqueras d’argent. Si ton budget pour innover est concentré sur une petite ligne “à part” alors il sera coupé. Ne pas comprendre que c’est le budget principal qui doit alimenter l’innovation est une erreur. Cela signifie donc de se remettre aussi en question au moment où l’on construit son budget.

Le manque de discipline
Il est plus facile de gérer son business au day-to-day que de se réinventer car cela demande beaucoup plus de temps. A la question “qui va travailler sur mon programme d’innovation ?”, ma réponse est toujours la même, “bonne nouvelle, c’est toi !” Je suis en effet convaincu que tout le monde est en capacité d’innover s’il s’en donne le temps. Car le 3ème frein à l’innovation n’est pas le manque de temps, c’est le manque de discipline. Il y a en effet un temps fou perdu dans les organisations par manque de discipline personnelle et entre départements. Et trouvez-vous normal que le marketing soit le seul département sans QA ? C’est pour cela, que je mets systématiquement en place, au sein de mes équipes, un processus de QA qui permet de générer des capacités et d’être en mesure de trouver du temps pour continuer à apprendre, à être curieux, à aller rencontrer des gens, à accepter des invitations de personnes qui semblent éloignées de son business. Parce qu’à chaque fois que tu prends du temps pour cela, tu constates que cela t’a inspiré et apporté quelque chose. Alors oui, chaque jour, tu as une bonne raison pour reporter ou annuler ces pas de côté mais c’est une discipline de s’y tenir.

L’innovation marché qui t’a le plus marqué ?

Le e-commerce est à mon sens une innovation dont on mesure mal l’ampleur et la valeur des changements qu’il a apportés et qu’il apporte encore. Je ne citerai que deux exemples.

Côté entreprises, le e-commerce a permis d’abattre le mur artificiel qui existait – et existe encore dans beaucoup d’entreprises – entre le marketing et les ventes et qui ne fait plus aucun sens dans un monde omnicanal. Que les organisations fusionnent ces responsabilités, comme le fait Unilever avec son Chief Commercial Officer en charge du marketing et des Sales, ou encore des start-ups avec le rôle de Chief Revenue Officer, est une évolution porteuse d’énormément d’opportunités et de création de valeur.

Côté consommateurs, la digitalisation et le e-commerce ont révolutionné la consommation de certains produits, et notamment la bascule de la possession vers l’usage avec les business models de location et d’abonnement. Tout le monde trouve aujourd’hui normal d’être abonné à des services de musique ou films à la demande, ou encore pour des accès logiciels. Ce nouvel usage a ensuite débordé sur des produits dont on ne veut pas manquer comme la lessive, le café, les couches et commence à infiltrer des produits que nous n’aurions pas soupçonnés : le mobilier (ikea), les vêtements (decathlon), et même la mobilité… Je suis même certain que dans quelques années, acheter une voiture sera perçu comme un acte d’un autre temps ! Je trouve que c’est une innovation formidable, à la fois en termes de bénéfices client, et en termes de durabilité.

Je crois que nous ne sommes qu’à 20% des bouleversements portés par le e-commerce.

L’innovation dont vous êtes le plus fier ?

Je vais choisir une innovation à laquelle j’ai contribué dans ma vie antérieure : la transition des lessives liquide vers les “pods” (berlingots ou tablettes). Ce format est plus économique car les consommateurs utilisent ainsi la dose juste, sans gaspiller. Il est plus écologique aussi car en version liquide, le produit composé à 60% d’eau nécessite un contenant plastique. Enfin, cette innovation est anthropologique en permettant le partage des tâches à la maison. Et comme l’étudiait le sociologue Jean-Claude Kaufmann, si monsieur sait faire la lessive, alors il saura faire beaucoup d’autres choses à la maison… Cette innovation s’appuie donc bien sur une invention technique – la membrane hydro-soluble des dosettes – et crée plusieurs bénéfices d’usage en révolutionnant notamment la vie des ménages !

Décembre 2022 Propos recueillis par Léa Hadj & Stéphanie Çabale pour Lynx partners

Photographie : Luc Suykens

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Changer pour générer du trafic et de la préférence d’enseigne en période d’inflation

La situation économique difficile et durable que nous traversons depuis des mois bouleverse nos vies, nos modes de consommation et par ricochet les stratégies marketing, d’acquisition et de trafic de toutes les marques. Comment continuer à attirer des clients dans les espaces de vente, au-delà des Black Friday et/ou Cyber Monday ?! Comment convaincre des clients aux budgets serrés, contraints à l’infidélité pour dénicher chaque meilleure affaire ? Comment mieux différencier ses profils clients dont les attentes et les écarts comportementaux se creusent ? Comment créer des parcours-réflexes adaptés à chacun et devenir un compagnon d’achats sur la durée ? L’heure est plus que jamais à la remise en question de nos habitudes marketing et à l’innovation simple et efficace.

La guerre en Ukraine et la pandémie mondiale, qui semble se raviver hélas ces jours-ci, génèrent pour tous – producteurs, distributeurs, consommateurs – un contexte économique inquiétant : l’inflation annuelle de la zone euro est estimée à 10,7% en octobre 2022 (source Eurostat 31.10.2022) et la consommation des ménages affiche encore une baisse de -2,8% en volume sur le mois d’octobre. Cette situation modifie sans surprise, structurellement et durablement parions-le, les comportements de tous les consommateurs et avec eux les stratégies marketing des entreprises.

Pour compenser la guerre des coûts et la bataille des “prix les moins hauts “, la diminution des stocks voire la pénurie de produits en magasins, la digitalisation a apporté de premières solutions : le e-commerce et la livraison à domicile connaissent depuis 2020 un développement à 2 chiffres. Il faut insister sans nul doute et optimiser encore les parcours croisés entre site et application e-commerce, magasins physiques voire marketplaces. Il faut aussi proposer de nouveaux leviers client attractifs à l’instant et sur la durée.

Ne plus différencier Acquisition et Fidélisation 

Créatifs, les marketeurs ont mis toute leur énergie à réagir par de nouveaux dispositifs d’acquisition de trafic, très tournés sur la promotion immédiate, au détriment de leur marge, et sur des dispositifs de masse : nouveaux formats publicitaires et promotionnels, nouveaux réseaux sociaux comme Tik-Tok ou Twitch, partenariats avec des marketplaces de bonnes affaires, …  Avec un seul et même message pour tout le monde : « aujourd’hui c’est chez nous que c’est moins cher ». En difficulté financière, en manque de temps, et ainsi incités à la volatilité par les enseignes elles-mêmes, comment leur reprocher leurs infidélités ?!

Pourtant, si les marques savaient réellement se mettre « dans les chaussures et dans les portefeuilles de leurs clients », elles auraient compris que la plupart raisonnent en fait bien plus Budget que Prix… Concentrés sur des difficultés de début ou fin de mois, mois après mois, les consommateurs ne dissocient donc plus ni les dispositifs ni les moments d’acquisition ou de fidélisation : ce qu’ils veulent, c’est gagner à tout moment. Pourquoi donc les marques font-elles encore cette distinction d’un autre temps ? Car l’attachement à certaines enseignes et marques est plus fort que jamais, preuve que même opportunistes, ils savent rester fidèles aux expériences capables de les servir au mieux, dans l’instant, et au fil du temps.

Il est donc indispensable aujourd’hui pour les entreprises de « dé-verticaliser » leur approche de “Get & Keep”, c’est à dire leur stratégie, leurs moyens et leurs organisations, et de la travailler sur deux temporalités simultanées : le court et le moyen terme. Avec deux essentiels en tête : Avantager mieux et individualiser plus.

Réapprendre à avantager ses clients

1.
En combinant discount et avantages
dans un modèle de générosité global

 

La première conséquence, et opportunité, de cette fusion entre acquisition et fidélisation, c’est l’obligation qu’ont les marques et les enseignes aujourd’hui à repenser leur modèle de générosité pour en faire un modèle global, fondamentalement plus généreux donc plus convaincant ! Comment ? En combinant et en montrant la valeur qu’elles rétrocèdent à leurs clients quels que soient les dispositifs. Ainsi, cette générosité globale associe des dispositifs historiquement portés par des départements, des budgets et des équipes différentes :

  • La promotion, et toute autre forme de discount, aussi intouchable et contrainte par la régulation…

  • Une générosité individuelle, liée aux cartes et programmes de fidélité, qui varie selon l’engagement de chaque client (bons de réduction personnalisés, avantages selon ses usages, primes au téléchargement de l’application ou à la mise à jour de données utiles, …)

  • Une générosité plus communautaire, qui valorise les parrains, les joueurs, mais aussi les beta-testeurs, les ambassadeurs, et les donneurs d’avis, et s’attache à transformer un client satisfait en un “rabatteur” efficace et reconnu comme tel.

Cette générosité complète, profondément customer-centric, est une arme de conviction massive, à condition d’être visible, lisible et incrémentale.

Des marques l’ont déjà compris en n’envoyant pas seulement une fois par an le bilan de leur fidélité à leurs clients mais en affichant des bilans incrémentaux et des compteurs d’économies réalisées en temps réel au sein de leurs parcours d’achat et de leurs supports de relation client. C’est le cas de l’enseigne Intermarché avec le « Bilan ConsoMieux », visible sur chaque compte client, qui affiche par mois et par an les économies réalisées à la fois en remises immédiates et en avantages fidélité cumulés. En aidant les clients à gérer leur budget, un tel service travaille la préférence d’enseigne à la fois en longévité et en immédiateté. Combo gagnant.

Cette générosité d’enseigne qui mixe promotions, avantages fidélité et bonus communautaires est une arme de conviction massive, à condition d’être incrémentale et mise en visibilité.

2.
En sophistiquant ses opérations de trafic

 

La deuxième conséquence est que nous marketeurs devons apprendre à créer deux formes de trafic absolument complémentaires : le trafic d’impulsion et le trafic de préférence.

L’impulsion s’appuie sur le coup de cœur, l’immédiateté de la bonne affaire et la rareté. Le live shopping en est la nouvelle star, en Asie comme le fait l’enseigne chinoise TaoBao en direct tous les jours sur le réseau social Douyin – le TikTok chinois – mais aussi en France avec le “télé-achat 2.0″ sur le site et l’application Carrefour. Jouer avec le (manque de) temps est une mécanique qui continue à faire ses preuves : l’enseigne Casino est une adepte des happy hours promotionnels en heures creuses ; Uber Eats offre la livraison pendant des offres flash de quelques minutes et le compte à rebours se lance à la connexion sur l’application, comme sur TooGoodToGo pour laquelle des promotions instantanées dépendent la fraicheur des produits et l’anti-gaspi, c’est-à-dire le modèle.

Le trafic de préférence va quant à lui valoriser l’habitude ou le réflexe pour avantager ses adeptes dans la durée. Et c’est lui qui suscite en ce moment le plus d’innovations. De manière très maligne, certaines enseignes vont ainsi institutionnaliser des jours fixes de promotions thématiques : Super U a ainsi fait du Jeudi Plus son jour -34% sur des produits qui changent chaque semaine ; Hao à Singapour, avantage les Seniors qui viennent faire leurs courses les lundis et les jeudis et fait de ces jours de moindre affluence des rendez-vous gagnants ; chez Waitrose en Angleterre le vendredi est le jour du poisson et le samedi celui de la viande avec des réductions chaque semaine ou encore chez Leclerc, la 1ère semaine de chaque mois est le rendez-vous -10% sur tout le rayon frais.

La nouvelle tendance des abonnements en est aussi une preuve évidente. Et l’on voit fleurir nombre d’abonnements pour de la location et de l’usage temporaire et longue durée sur le modèle des industries du divertissement plutôt que de l’achat, sur des biens comme les vêtements, les jouets, le matériel de sport ou de bricolage, la mobilité,… . Et même des abonnements contre des promotions supplémentaires, soit payer pour être toujours sûr de payer moins cher !

Enfin, on constate aussi de plus en plus de primes données à l’engagement des clients : le consommateur peut gagner jusqu’à 30€ en bons d’achat s’il partage son avis sur son magasin Lidl,; avec Joko, l’app de bons plans, il gagne 20 points par réseau social auquel il s’abonne et 1000 points pour l’installation de l’extension web ; s’il télécharge l’application Uniqlo, il reçoit un bon cadeau de 5€ et 5€ de plus en s’abonnant à la newsletter.

Des récompenses incitatives à la préférence, toutes « canal-agnostiques », qui placent le e-commerce comme partie intégrante du réseau de points de vente, une autre évolution pas vraiment encore bien répercutée non plus au sein des organisations…

Savoir jongler avec deux formes de trafic spécifiques et complémentaires : le trafic d’impulsion et le trafic de préférence.

Individualiser l’ensemble de sa relation client

Chez Lynx partners, nous utilisons plus volontiers le terme “individualiser” à celui de personnaliser.  Parce que dans “individualiser”, il y a deux notions qui nous sont chères : celle de mieux toucher l’individu et celle d’humaniser la relation entre marques et clients.

L’efficacité de la personnalisation se constate bien sûr aussi sur les dispositifs d’avantages ! Et ce qui nous a le plus marqué ces derniers temps, c’est l’ingéniosité des nouvelles solutions de gamification basée sur l’IA et la prédiction de préférences de marques, d’achat, d’usage ou de fréquence. Ce sont elles qui sont derrière “Les Défis Waooh“, “Instants gagnants” et autres “Parcours gagnants” dont vous pouvez bénéficier dès lors que vous possédez la carte de fidélité de l’enseigne en question. Nous les avons repérées, testées et analysées chez Leclerc, Carrefour, Auchan, Intermarché, Picard en France, ou encore chez Continente au Portugal et RiteAid aux Etats-Unis. Les dispositifs sont faciles, ludiques, respectueux des budgets des clients et affichent des résultats impressionnants.

Mais quand on parle “individualisation”, on parle bien entendu aussi de ciblages, plus fins, plus justes, plus pertinents sur 3 axes complémentaires :

  • Enrichir les segmentations client en tenant compte du potentiel de valeur des acheteurs, des nouvelles contraintes du StopPub, de la diversité des moyens de contacts digitaux

  • Modulariser des kits MarCom par segments Points de Vente plus précis croisant les particularités de leur zone de chalandise, les caractéristiques de leur concurrence, le potentiel valeur de clientèle ou son niveau de digitalisation, …

  • Déterminer enfin plus adroitement les moments réceptifs et pertinents de ciblage, avec des solutions de contextualisation et de géotargeting plus poussées

Notre expérience chez Lynx partners est de savoir innover et accélérer dans des contextes en évolution constante. Les situations délicates sont les moments où l’attentisme frileux et le recyclage de vieilles recettes sont contre-productifs. C’est maintenant qu’il faut oser bousculer ses schémas, ses habitudes, ses organisations et tenter de nouvelles initiatives. Des retailers s’y mettent et les clients les récompensent. Qu’attendez-vous ?

Illustrations : Heidi Fin via Unsplash.com

Stéphanie Çabale, Directrice associée

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Coup d’oeil sur… Treedy’s et son bodyscan 3D  | Interview

bodyscan 3D Treedy's

Notre rubrique “Coup d’oeil sur…” repère et met en lumière des start-ups, des technologies, des services qui innovent et qui participent à la transformation digitale des entreprises et des stratégies marketing client.

Aujourd’hui, nous vous présentons Treedy’s, technologie inédite de bodyscan 3D, expliquée par David Francotte, CEO et fondateur :

Que doit-on savoir de vous ?

Treedy’s propose aux retailers une solution unique de numérisation 3D : en une fraction de seconde, le 3D Bodyscan OvO modélise un Digital Twin de chaque consommateur pour pouvoir mieux le conseiller.

L’expérience est unique et OvO s’intègre parfaitement dans tous les espaces commerciaux.

Grâce aux données morphologiques recueillies, nous pouvons aussi conseiller nos marques partenaires sur les coupes vestimentaires et les tailles qui seront les mieux adaptées aux physiques de leurs clients, et recommander ainsi les pièces qui se vendront le mieux.

Prochainement nous mettrons sur le marché une application mobile de Self-scanning qui utilise les capteurs 3D des smartphones afin de répondre également aux besoins des retailers 100% digitaux.

Que proposez-vous comme nulle part ailleurs ?

No need to undress !

Notre force réside en notre capacité à digitaliser en 3D un consommateur avec la plus grande précision sans se déshabiller, préservant ainsi son intimité. En résulte un taux d’adoption inégalé de nos bodyscans au travers d’une expérience ludique et utile qui ne prend que quelques secondes.

bodyscan OVO Treedy's

Les plus de votre solution de bodyscan 3D ?

Aux retailers, Treedy’s apporte d’abord, via ses solutions de bodyscan, un outil précis de recommandation de tailles et de « fit » qui réduit considérablement le volume de retours. Nous analysons aussi ce qui rend la morphologie de chaque consommateur unique et ouvrons la voie au développement d’une industrie de la mode responsable et durable.

Aux consommateurs, leur Digital Twin 3D issu du bodyscan devient le partenaire de shopping qui leur permet d’acheter sans essayer et sans se tromper, en magasins et en ligne.

Découvrir le bodyscan Treedy’s en un projet ?

Courez chez Decathlon ! Nos scanners sont actuellement dans les magasins de Lille et de Madrid.

«  Les bodyscans développés par Treedy’s permettent aux clients de Decathlon de choisir les tailles les plus précises et le meilleur fit sur toutes nos marques d’habillement, et ce tout au long de leur parcours d’achat en magasins ou en ligne »  – Christophe Haudiquet ⏐Directeur financier Alliances Decathlon

Bodyscan Treedy's chez Decathlon

Collaborer avec vous en 3 mots ?

Innover en omnicanalité
Nos solutions de bodyscan améliorent et facilitent l’expérience client en proposant une solution unique et pratique qui réconcilie enfin le commerce offline et online

Réduire les retours clients
Grâce au Digital Twin, nous aidons les consommateurs à résoudre l’éternel problème de la recherche de la bonne taille de vêtements quelle que soit la marque partenaire. Cela permet de diminuer les retours et d’augmenter la satisfaction client.

Mieux gérer ses stocks
Notre technologie vous permet de collecter des données clients et d’identifier au mieux les tailles dont vous avez le plus besoin en stock ou encore de les écouler avant l’arrivée des nouvelles saisons

Septembre 2022 Propos recueillis par Léa Hadj & Stéphanie Çabale pour Lynx partners

Photographies : Diane Adam et Treedy’s

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La sérendipité, ce génie de l’innovation

“L’innovation est inséparable de l’art du moment”, explique Raphaël Enthoven lors de notre dernière Lynx partners Summer party qui avait choisi ce thème pour poursuivre nos réflexions sur les meilleures manières de changer, de transformer, de faire évoluer ordres établis et (mauvaises) habitudes.

L’innovation, l’art du moment juste

L’innovation déchaine les passions. Comme ces ardents élans, elle a ses raisons que la raison ignore. Du moins à un instant T : celui de la sérendipité. Au mystère de la création de l’innovation, le philosophe Raphaël Enthoven répond en effet par « la sérendipité, cet art, cette capacité, cette aptitude à faire par hasard -et par définition- une découverte inattendue et à en saisir l’utilité scientifique ou pratique ».

Hasard, rencontre, aléa, coïncidence, imprévu, occurrence, aubaine… De nombreuses découvertes ont croisé ces chemins impalpables. L’essayiste cite « le coca ou encore la pénicilline, tous deux découverts par sérendipité. »  Londres, 1928. Le bactériologiste écossais Alexander Fleming fait des recherches sur des souches de staphylocoque. « Il oublie de ranger son laboratoire, laisse pourrir ses expériences ». Un temps plus tard, il remarque un halo d’inhibition autour d’une moisissure teintée de bleu et de vert qui a contaminé une culture de staphylocoque. Il en déduit que la moisissure produit une substance qui bloque la croissance bactérienne. « C’est la rencontre entre la pourriture et un esprit comme celui de Fleming qui permet de mettre la main sur le bacille Penicillium notatum ».

Ce n’est donc pas « par hasard » qu’il l’a trouvé mais « par l’addition du hasard et de l’initiative », précise celui qui enseigne la philo à l’École Polytechnique. L’innovation se trouverait donc « à la croisée d’un réel qui demande à être saisi et d’une initiative qui, elle, fait ce qu’elle peut avec les informations dont elle dispose. »

« L’innovation nait de l’addition du hasard et de l’initiative »

Ainsi, d’initiatives malheureuses naissent d’heureuses avancées. Raphaël Enthoven poursuit avec l’exemple d’une équipe de scientifiques de l’université d’Irvine, en Californie. Les experts cherchaient à remplacer le lithium des batteries par des nano fils d’or pour augmenter leur durée de vie « lorsqu’un type a déposé par inadvertance du gel de Plexiglas sur les fils d’or ». Au final, la réaction permettra de transformer les filaments et de « créer des batteries trente fois plus résistantes » que celles qu’ils souhaitaient initialement produire. « Evidemment, encore faut-il qu’un esprit puisse se saisir de ce qu’il a vu à ce moment-là. C’est ça la sérendipité. Et c’est ça l’innovation : être capable d’assumer le carrefour qui se présente », souligne-t-il.

Action, observation, ingénuité

L’art du moment donc… Doublé d’un sens aigu de l’observation. Le passionné de littérature aime à citer le conte philosophique de Voltaire, Zadig ou la Destinée. Le sens du détail et de l’inspection mène Zadig droit au tribunal. Face « aux étoiles de justice », « abîmes de science » et autres « miroirs de vérité », Voltaire le pamphlétaire agite « le sens aigu et actif de l’observation », souligne l’agrégé. Pour lui, cette disposition habite l’homme dénué de préjugés, de théorie sur le monde, de sentiment de savoir. « Elle appartient à celui qui se promène dans le monde comme une page blanche. Mais une page blanche attentive, sur laquelle le monde vient s’inscrire en relief. »  Aussi, « l’innovation présume l’ingénuité », conclut-il.

L’erreur serait donc de penser que l’innovation induit la création « d’un monde tout nouveau, tout neuf. » Ce qui reviendrait « à rêver d’une couleur que l’on a jamais vue. »  Utopie. « Quand vous rêvez ou quand vous innovez, vous réalisez un travail de puzzelier inédit avec des éléments déjà constitués », observe le penseur. L’innovation n’est ni « le coup de génie »,  ni « la capacité à rompre » avec un ordre établi, ni « l’invention surnaturelle ». Ce n’est pas donc plus « un miracle ». « C’est l’attention renouvelée au monde qui nous entoure », martèle le philosophe.

Et en entreprise ?

A l’échelle de l’entreprise, quels enseignements suivre ? « Mener votre équipe vers l’inconnu » titrait un article de la revue Harvard Business Review dans une édition dédiée au sujet. « Pour favoriser l’innovation, vous n’avez pas besoin d’être un nouveau Steve Jobs ni de prédire l’avenir », assuraient Nathan Furr et Jeffrey H.Dyer, deux professeurs émérites. « Vous devez plutôt créer l’espace mental au sein duquel le processus doit avoir lieu ». La « page blanche » en somme. Comment ? « En vous donnant comme intention de repousser les limites », avancent les têtes chercheuses. En s’autorisant à « Penser autrement »,  comme le scandait une célèbre publicité (Apple, 1997).

Chez Lynx partners, nous suivons ce chemin. Nous croyons que l’entreprise qui veut innover aujourd’hui doit bouleverser ses codes, ses équipes, ses process, son style de management voire de gratification aussi et faire une place à cette sérendipité créatrice et salvatrice. A elle d’encourager, de valoriser, de mentorer l’autonomie de ses collaborateurs comme de ses partenaires pour que l’action et l’initiative reprennent le dessus. A elle de repenser son organisation pour que chacun, à son niveau, observe, produise et analyse, avec son savoir, ses expériences et sa candeur.  A elle, enfin, de diversifier ses profils, de croiser les regards, les angles et les façons de faire, de garder un oeil vif, frais, neuf, curieux sur tout ce qui l’entoure. Un oeil de lynx.

Innovation et Marketing

Stéphanie Çabale, directrice associée

Sources : Conférence de Raphael Enthoven, Lynx partners Summer party – 28 juin 2022 – Photos : Diane Adam

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Une année à e-réaction – Bilan Media 2021

Une reprise en trompe l’œil pour le marché de la communication

Après une année 2020 marquée par la chute hors norme des investissements en communication, la réaction des annonceurs était forcément scrutée de près cette année. A quoi s’attendre : nouvelle année de crise ? début de reprise ? ou vrai rebond ?

Le marché a majoritairement tranché pour le rebond, arguant notamment de la progression de 18,3% des recettes publicitaires nettes en un an. Pourtant, ce n’est en réalité qu’un retour à la valeur du marché d’avant crise (15.9 Md€ en 2021 versus 15.6Md€ en 2019). C’est déjà un premier pas pour quasi tous les media (à l’exception des annuaires) puisque le résultat est positif par rapport à l’an dernier. Cependant, l’analyse sur 2 ans indique bien que la reprise n’est que partielle. En réalité, en dehors du media Internet (SEA, Social, Display et autres leviers), seule la Télévision obtient en 2021 un niveau supérieur à 2019, année de référence de l’avant crise (voir infographie ci-dessous).

recettes media 2021

Le digital porte le bilan des recettes des 5 grands media

Sur le périmètre des 5 grands media (TV, presse, affichage, radio, cinéma), la tendance est la même. La reprise est réelle avec +16% par rapport à l’an dernier… mais les recettes nettes sont toutefois toujours en retrait de -5% par rapport à il y a 2 ans. Intégrer le digital aux 5 media permet cette fois de retrouver une croissance de près de 10% par rapport à 2019 ! L’impact du digital est énorme :

  • Il permet de basculer de la décroissance à la croissance,
  • Il offre aux media traditionnels des opportunités de revenus complémentaires,
  • En consolidant l’ensemble de ses leviers, il est aussi et surtout devenu le 1er media en France du mix de communication. Il représente 27% des investissements des annonceurs contre 26% pour les 5 grands media. En 2019, il ne pesait que 20% du mix contre 25% pour le 5 grands media.
5 grands media

2021 : l’année du rattrapage digital pour la distribution et les PGGC

Il est aussi intéressant de noter qu’il n’y a plus de secteur dont le poids des dépenses digitales décroche : si les Services et l’Industrie ont très vite adopté les leviers digitaux dans leur mix, les enseignes de Distribution et les acteurs de Grande Consommation étaient plus prudents. Le digital pesait ainsi 12% de leur mix il y a 2 ans… il pèse désormais respectivement 18% et 25%!

Ces chiffres confirment l’accélération de la digitalisation du marché. Les Français ont modifié leurs usages en termes de consommation des media mais aussi définitivement adopté les habitudes prises pendant les confinements.

Logiquement, le secteur de la Distribution en fait aujourd’hui son principal media (18% versus 16% du mix pour les 5 grands media). Ce n’est toutefois pas encore le cas pour les Produits de Grande Consommation (33% pour les 5 media versus 25% pour le digital).

La distribution, encore très dynamique, conforte sa place de principal secteur en termes d’investissements en 2021 

Si la crise de la Covid 19 n’a pas remis en cause un élément, c’est bien le ranking des principaux annonceurs. Lidl, Leclerc, Intermarché, Carrefour et … Amazon trustent le Top 10. Les autres secteurs historiques sont bien présents (Automobile, FMCG, Telco) bien que moins représentés cette année.

top 10 annonceurs

L’ensemble des données est disponible sur les sites BUMP, IREP et FrancePub. Dès lors quelles sont les tendances de l’année ? Et surtout quelle trace laissera la crise de 2020 ?  

La course à la digitalisation s’accélère

La crise de la Covid 19 a cassé la dynamique de croissance des investissements en communication, ou a minima l’a ralentie. Mais au-delà de ce constat quantitatif, cette crise a surtout accéléré la digitalisation des usages, des media et des investissements. Le télétravail, le drive et le e-commerce ont favorisé les points de contacts digitaux, au plus près de ces nouveaux comportements de consommation et d’achat.  

digitalisation media

L’audace et la quête de sens des individus, et donc des marques, se sont libérées au cours des deux dernières années. Certes, la communication répond et répondra encore longtemps à trois objectifs principaux : faire connaitre, faire aimer, faire acheter. Trois messages pas toujours compatibles ni avec le sens ni avec les valeurs que les individus réclament aux marques. La consommation est d’ailleurs antinomique à bien des égards avec cette quête, quand bien même elle serait green, bio et locale.  

RSE : du slogan aux actes dès 2022 

Alors la RSE est devenue tour à tour un enjeu, un objectif, un sujet au cœur des campagnes de communication puis un KPI (part de budget consacré aux campagnes RSE, empreinte carbone des campagnes, publicité solidaire, …). Cela séduit davantage le consommateur que le citoyen. Ce dernier a identifié qu’en matière de RSE, toutes les entreprises et tous les secteurs ne sont pas à armes égales. La voiture électrique « green » … dont les matériaux se recyclent peu et polluent, le jambon de poulet bio et français … mais élevé en UE comme l’indique une phrase en police 6 sous le drapeau bleu blanc rouge du packaging. Le « recycler mieux » pour « consommer plus » passe de moins en moins, et la transparence est un prérequis : le message est clé, les actions le sont encore plus. 

Préserver l’image de marque sur les nouveaux territoires de communication 

Ensuite, le contexte. Si le contrôle du contexte de diffusion est maitrisé sur les grands media, ce n’est pas le cas sur le Digital et la hausse de la demande publicitaire va rendre cet enjeu de plus en plus clé. L’opposition entre performance et branding s’estompe. Le format vidéo explose, de nouveaux réseaux sociaux émergent, pour chaque site de désinformation fermé 10 réouvrent …  tout cela implique une mise à jour sinon un renouvellement permanent des solutions de brand safety. Au risque, sinon, de mettre en péril en quelques minutes l’image de son produit, de sa marque, et de réduire le travail de branding accompli en plusieurs années à néant. Tous les annonceurs ne sont pas des experts de la communication de crise… 

Mesurer (autant que possible) la performance pour valider la pertinence 

Enfin, la mesure. Comment mesurer ce qui est nouveau ? Quelle valeur de la data si son utilisation est restreinte ? Comment s’assurer d’une mesure fiable en se basant principalement sur l’outil d’un éditeur, certes géant du numérique, mais dont l’opacité lui colle à la peau ? Et comment faire autrement demain, si GA n’était plus une solution pérenne ? Les réponses sont forcément différentes d’un acteur à un autre mais doivent être posées pour être solutionnées. Tout n’est pas mesurable, mais ce qui peut être fait en la matière sera toujours un début d’information et une première piste d’optimisation des investissements. 

Plus encore que de savoir si les investissements 2022 rattraperont enfin ceux de 2019, la principale question selon nous est de savoir comment les marques s’adapteront aux mutations du paysage et à des enjeux parfois paradoxaux : accélérer sur l’innovation (web 3, …), tenir compte des attentes des citoyens (contenu et RSE, points de contact, …) et mesurer autant que possible les actions en se formant et en sourçant les outils les plus adaptés

Benjamin Sagues, directeur

Illustrations : Towfiqu Barbhuiya, Domenico Loia, Lysander Yuen.

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Métavers : ce n’est plus de la science-fiction !

Métavers, blockchain, cryptomonnaies, NFT, ces termes appartiennent au présent : c’est ici et maintenant que se construit le Web 3.0 et qu’il faut l’appréhender et l’intégrer aux réflexions sur les prochains modèles d’expérience clients, d’expérience employés ou encore d’offres commerciales. Piliers novateurs de la révolution digitale en marche, ils rendent déjà possibles des interactions sociales et économiques inédites et pleines de promesses. Ces bouleversements n’ont pas échappé aux marques les plus curieuses qui s’attachent à déceler les multiples enjeux et opportunités business d’un Web 3 ultra-créatif. La nouvelle révolution digitale a commencé.

Métavers, un monde de nouvelles sensations

Il vous suffit d’endosser un casque VR (Virtual Reality) ou des lunettes rétiniennes pour comprendre que le métavers est déjà à votre porte. Selon les prévisions de Bloomberg, il représentera en 2024 un marché de 800 milliards de dollars. Un chiffre qui n’est guère étonnant quand les levées de fond s’élèvent déjà en 2021 à 30 milliards de dollars dont 1,2 milliard en France. Cette tendance se confirme aussi chez les consommateurs avec des ventes de casques VR qui ont triplé au cours du dernier trimestre 2021, un succès qui s’explique notamment par la popularité de Meta Quest 2 ou de Pico (Tiktok).

En 2022, les dystopies et autres aventures de science-fiction décrites dans les ouvrages de Neal Stephenson (Snow Crash) ou encore d’Ernest Cline (Ready Player One) s’implantent bel et bien dans le réel. Les mondes virtuels se multiplient : ce sont aussi bien des créations artistiques inédites que des reproductions fidèles et augmentées d’espaces bien réels, qui jouent plus ou moins avec nos sensations : de la vitesse au vertige, du gigantisme à l’infiniment petit, des effets visuels, auditifs, tactiles via des gants haptiques qui s’ajouteront à l’équipement. Ils se peuplent d’avatars qui y évoluent, jouent, dialoguent et interagissent. Et comme tout monde est consommation, nous et nos avatars achetons des produits, des services ou des expériences, pour nos terrains virtuels et pour une extension ludique et trans-dimensionnelle de nos modes de vie.

métavers sensations

Meta Acteurs, ceux d’aujourd’hui et bien d’autres encore

Le marché s’organise et la diversité des offres permet aux marques de choisir le terrain de jeux le mieux adapté à leurs ambitions.

  • La plateforme de réalité virtuelle américaine Decentraland propose un univers tres « cartoony » et dispose de sa propre cryptomonnaie. Elle permet aux dizaines de milliers d’utilisateurs d’acheter des parcelles de terrain constructibles et monétisables. Valorisée à plusieurs milliards de dollars, elle a accueilli en mars dernier la première Metaverse Fashion Week (MVFW)
  • Avec une orientation plus gaming, The Sandbox est l’un des métavers les plus prisés aujourd’hui et noue des partenariats avec des marques leaders de la mode et la distribution (Adidas, Gucci…).
  • Assumant un positionnement premium, la french tech Garou se concentre sur le patrimoine, la culture et le luxe. Univers virtuel dont le lancement officiel sera fait en septembre 2022, il se distingue par sa haute qualité d’image empruntée au photoréalisme.
  • Horizon Worlds, fondé par Meta de Mark Zuckerberg, évolue pour l’instant dans une dimension plus professionnelle : il propose des espaces virtuels pour organiser des conférences professionnelles ou des événements en direct.
  • Microsoft Mesh se réclame également d’un positionnement professionnel. Plateforme de réalité mixte, Mesh permet de se retrouver dans des expériences holographiques collaboratives (réunions, conversations …)

Ces précurseurs seront bientôt suivis d’une kyrielle de nouveaux acteurs tous en cours de développement parmi lesquels Otherside (BAYC), Sensorium, The Brook, XiRang (Baidu) …

Meta Avancées, des technologies à maturité

Les métavers s’épanouissent aujourd’hui grâce à la convergence de cinq technologies arrivées à maturité. L’avènement de la 5G, la puissance des cartes graphiques, la performance des casques de réalité virtuelle, la sécurisation de la blockchain et enfin l’évolution des moteurs de jeu ont effectivement joué un rôle primordial dans la popularité actuelle des métavers et leur essor grande vitesse. Sans des moteurs puissants et élaborés pour modéliser la lumière, les couleurs, les textures, la gravité etc., les mondes virtuels seraient à la fois plus compliqués à créer, et moins attractifs pour les consommateurs souhaitant y évoluer. Deux acteurs se partagent aujourd’hui ce marché des moteurs de jeux, Unity et Epic Games et sont valorisés à environ 30 Milliards de dollars

Meta Applications, des cas d’usage sans limite

Si le luxe a su et pu prendre les devants en adaptant sa stratégie marketing aux possibilités que recèle le métavers et y injectant tôt leurs possibilités d’investissement, d’autres secteurs peuvent et doivent saisir les opportunités que le web3 leur apporte. Des marques y organisent des événements dans le jumeau virtuel d’un lieu prestigieux, font visiter les coulisses d’un lieu historique, proposent de tester les dernières options d’une voiture en plein désert. Automobile, mode, événementiel, tourisme…, les potentialités du Métavers s’étirent à l’infini et se déclinent dans tous les secteurs et dans toutes les économies. Côté Retail, le web3 agira comme une extension progressive du e-commerce que nous connaissons aujourd’hui, augmenté de composantes sensitives donnant envie de mieux et plus acheter à distance en se rendant compte, par exemple, de la taille, de la forme, de l’encombrement, du bruit émis de tel ou tel produit.

Meta interActions, le règne de la décentralisation

De nature collaborative et sociale par essence, les métavers génèrent des interactions inédites avec la possibilité pour les contributeurs d’avoir droit à une part de gouvernance. Ainsi, comme l’affirme Gaspard Giroud, CEO et fondateur de Garou, “la communauté nourrit le projet, y prend part et choisit sa valeur. C’est une véritable révolution collective”. Cependant, le choix de monétiser ou non l’expérience revient aux marques, qui ont l’opportunité de tisser de nouveaux liens avec leurs consommateurs. Dans un cadre désintermédié où progressent la décentralisation et la possession des assets par des consommateurs qui échangent directement entre eux, elles vont devoir réinventer leur manière de communiquer et apporter plus de valeur et de service. D’autant plus lorsque l’on remarque l’impact des consommateurs sur les contenus de marque, qu’ils amplifient en les relayant au sein de leurs communautés.

Vous l’aurez compris, le Web3 est en train de créer des usages et de nouvelles formes d’interaction à l’image de ceux qu’on a eu du mal à imaginer aux débuts du Web il y a… 30 ans. Nous sommes convaincus que c’est aux marques de saisir la balle au bond et d’investir dans ce nouveau marché qui progresse à toute allure. En intégrant les enjeux du web3 et en dimensionnant de 1ers tests pertinents, elles commenceront à appréhender les technologies, à acculturer leurs équipes, à créer des expériences clients et employés ajustées à leurs secteurs sur la ou les plateformes les plus adaptées à leurs objectifs. Se mettre en chemin est un « no brainer », définir la route à prendre est notre métier. Une révolution est en marche. Les entreprises qui s’y engagent aujourd’hui pourraient bien devenir les géants de l’internet de demain.

Guillaume Herbin, directeur et Julie Maubé, consultante

Illustrations : Karolina Grabowska, Stephan Sorkin, Vanessa Loring

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 Les NFTs, accros à Twitter | Interview

Laurent Buanec est Directeur Général Adjoint de Twitter France depuis avril 2018. Préalablement en charge de l’équipe Brand Strategy France puis Europe et Moyen Orient au sein de Twitter pendant 4 ans, il a également dirigé les activités de Twitter Allemagne lors d’une mission d’un an en 2021. Son rôle est à présent de renforcer les relations et partenariats stratégiques avec les grands groupes et l’écosystème publicitaire français ainsi que d’accélérer le développement du bureau français comme hub international pour l’accompagnement des grandes marques françaises dans leur communication globale.

Quelles sont selon vous les grandes tendances pour les marques en 2022 sur les réseaux sociaux ?

Elles sont nombreuses et s’il faut en ressortir quelques-unes, ce serait les 5 tendances suivantes selon moi :

  • émerger et faire entendre sa voix dans des contextes toujours plus concurrentiels,
  • s’appuyer sur les capacités full funnels des plateformes et notamment des nouvelles solutions e-commerce,
  • faire valoir ses engagements et ses valeurs,
  • s’assurer que ses contenus soient diffusés dans des environnements sains (enjeux de Brand Safety)
  • gagner en pertinence culturelle.

Et cela tombe bien puisque Twitter répond à tous ces enjeux  !

Grâce à ses millions de conversations publiques quotidiennes, Twitter est le plus grand focus group de la planète. Qu’il s’agisse d’étudier les conversations liées aux NFT ou à la K-Pop, ou de révéler les nouvelles attentes des consommateurs vis-à-vis des marques, Twitter est un outil indispensable pour déceler les tendances et les signaux faibles de notre monde, pour qui sait isoler et traiter cette donnée.  Pour vous donner une idée des possibilités je vous invite à explorer notre rapport Birdseye développé en collaboration avec nos partenaires data. Vous y verrez notamment comment un partenaire comme Blackswan propose des solutions de marketing prédictif aux marques.

Afin de mieux appréhender les attentes de leurs clients en matière d’expression sur Twitter, les marques peuvent également se référer à l’étude #RealTalk, réalisée avec Sparker et Pulsar.

Enfin notre étude #TwitterTrends identifie et décrypte également des tendances de conversation. Une nouvelle version à paraître prochainement évoquera plus particulièrement l’importance des sujets autour de la fintech, des cryptomonnaies, et des NFTs.

NFT, paiement en crypto-monnaie, blockchain, Métavers, Web3, … Au-delà des buzzwords, comment Twitter considère ces innovations et que vont-elles changer pour les marques ?

Twitter a très tôt développé de nouvelles fonctionnalités qui s’appuient sur ces avancées. Nous avons notamment lancé “Dons” en septembre 2021, une fonctionnalité qui permet à chacun de faire un don à son compte préféré, d’aider une entreprise ou de donner à une cause. En utilisant Strike, les utilisateurs peuvent même faire leurs dons en Bitcoin et en Ether.

Les NFT ne sont pas en reste puisqu’au-delà du “drop” de 140 NFTs Twitter en juin dernier, nous permettons désormais aux propriétaires de NFTs de les afficher dans leur photo de profil. Votre bien digital s’affiche alors dans un format spécifique qui vous identifie en tant que propriétaire. En cliquant sur l’image, vous aurez accès à des informations telles que la description du NFT, son propriétaire, la collection à laquelle il appartient et d’autres détails supplémentaires comme l’adresse du contrat du NFT.

Photo de profil Twitter de Laurent Buanec intégrant un NFT,
reconnaissable à sa forme hexagonale

nft laurent buanec
Photo de profil Twitter de Laurent Buanec intégrant un NFT, reconnaissable à sa forme hexagonale

Plus largement, Twitter reste la plateforme de référence sur ces sujets émergents, en témoignent les commentaires de certaines figures du secteur telles que John Karp, présentateur du podcast “NFT Morning” et organisateur de la “Non Fungible Conference”.

Twitter est « le réseau social n°1 de la communauté metaverse et NFT, parce qu’historiquement c’est le réseau des informaticiens »

Twitter a aussi contribué à initier des projets favorisant le développement du web décentralisé, à l’image de Bluesky. Pour les marques, l’émergence de ce web3 suscite différentes approches : il y a celles tout d’abord qui se précipitent sur ces technologies en faisant preuve d’opportunisme, en espérant que l’association à ces nouvelles technologies, fut-elle illégitime ou forcée, renforcera leur image de marque innovante. D’autres, et elles sont nombreuses à ce stade, se contentent de traduire et transposer des mécaniques marketing déjà existantes, en distribuant des récompenses ou des gains sous formes de NFTs par exemple. Ou calquent les propositions de leurs produits ou services dans des univers dématérialisés. Mais parce que le web3 redistribue les cartes sur des sujets fondamentaux pour les marques, comme les licences, le processus d’achat, et va jusqu’à redéfinir jusqu’à la notion même de propriété, les changements vont être plus importants. Et les moyens restent à définir et à inventer, ce qui représente une opportunité extraordinaire pour les marketeurs aujourd’hui.

Twitter se révèle être un endroit clé d’échanges sur le sujet des NFT ? Pourquoi et comment ?

Twitter est effectivement l’endroit pour savoir ce qui se passe et ce dont le monde parle. De nombreuses communautés s’y rendent pour s’informer et échanger autour de leurs centres d’intérêts. C’est particulièrement le cas pour des communautés comme celle des gamers, qui s’y retrouvent pour discuter des dernières nouveautés, partager leurs avis, ou leurs astuces. De la même manière, l’émergence d’abord des cryptomonnaies puis des NFTs a conduit aux mêmes usages. A titre d’exemple, la conversation à propos des NFTs représentait environ 30k Tweets par mois en janvier 2020. En novembre 2021, ce chiffre a dépassé 30 millions. Selon Brandwatch,Twitter truste 97% des conversations publiques sur les NFTs (de janvier 2020 à février 2022).

Nous constatons que les marques se saisissent de ces nouveaux usages, notamment dans le domaine du Luxe. Dolce Gabbana, tout comme Adidas dans le cadre de sa collaboration avec Prada, ont utilisé Twitter Spaces (notre service de conversations audio en direct) pour annoncer leur “drop” de NFTs. Cadbury est allé encore plus loin en présentant sur notre réseau sa nouvelle barre chocolatée comme un NFT, invitant ses clients à faire l’acquisition de ce produit, à suivre son cours sur un marché d’enchères et à l’échanger plus tard sous la forme d’une propriété exclusive.

twitter nft
Le dernier sujet incontournable pour les marques sur Twitter ?

Un des enjeux pour les marques, c’est de faire l’actualité. Soit lors d’un lancement, soit en s’associant à un événement. Il s’agit de capturer l’attention dans l’instant qui compte pour la marque. D’où le succès des solutions Live de Twitter, la plateforme du temps réel. Je vais vous donner quelques exemples récents :

  • Pour de nombreuses marques, Twitter est désormais incontournable en matière de Live vidéo. Lors de la Fashion Week en janvier dernier, Louis Vuitton a rassemblé plus de 63 millions de spectateurs sur la retransmission de son défilé sur Twitter.
  • Sur la partie Live audio, Twitter Spaces a réussi à s’imposer sur le territoire des salons de discussions audio, et ce n’est que le début. France Télévision en fait un très bon usage lors des grands évènements sportifs comme le Tour de France. Les Spaces du journaliste Romain Molina sont devenus un véritable phénomène attirant toujours plus de fans de foot avides de nouvelles révélations (+70 000 personnes en simultanée lors de son dernier Space).

Nous accompagnons aussi les marques dans leurs dispositifs de Live shopping et déployons en ce moment un module parfaitement intégré l’expérience et les usages sur Twitter. #StayTuned

Propos recueillis par Benjamin Sagues, directeur & Julie Maubé, consultante

Photographies et illustrations : Twitter, Souvik Banerjee

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En attendant le métavers, le boom de la réalité augmentée | Interview

Busterwood est un studio spécialisé dans le développement de contenus publicitaires engageants. La société produit des contenus sur-mesure, expérientiels et conversationnels en intégrant l’utilisateur au centre du storytelling.  Sans occulter la dimension « drive to business », Busterwood Studio joue à plein les nouvelles technologies telle que la Réalité Augmentée pour maximiser la conversion des opérations pour ses clients. Busterwood c’est en 2021 près de 30 collaborateurs et plus de 200 contenus développés. 

Avant toute chose, quel est le bilan 2021 de l’activité pour Busterwood Studio dont vous êtes le fondateur ?

Tout d’abord, Busterwood Studio est une société de création de contenus 3D qui s’est particulièrement développée ces dernières années dans la production de contenus interactifs et engageants, sous-entendu de contenus de réalité augmentée.

Nous avons réalisé en 2021 près de 150 expériences de réalité augmentée pour des clients d’univers extrêmement variés, du luxe à l’auto en passant par le food ou encore la grande distribution avec des acteurs tels que Coca Cola, Kenzo, Givenchy, Audi, Carrefour, Leclerc. Cette activité qui représentait moins de 10% de nos revenus il y a 3 ans, représente aujourd’hui plus de 50% de notre chiffre d’affaires. Une tendance qui tend à se confirmer avec le début de l’année 2022.

Le métavers est au cœur des discussions techno et marketing :  quel va être selon vous son impact sur l’activité des agences de création et de contenu en termes de services proposés et d’organisation de travail ? 

L’industrie des métavers a déjà impacté le monde des agences de communication et de contenu puisqu’il s’agit d’une nouvelle surface d’expression qu’elles se doivent d’intégrer dans leurs solutions de communication.

Le premier élément important, c’est d’aider les marques à choisir quel monde virtuel retenir en fonction de leurs objectifs marketing. Les possibilités sont déjà nombreuses, et à l’instar d’une stratégie media, il faut accompagner les marques sur ce sujet pour les aider à prendre position sur le métavers le plus adapté à leurs besoins.

Une fois que l’on a défini le métavers – c’est-à-dire le monde virtuel sur lequel on souhaite se positionner – c’est là où la stratégie de contenu entre en scène puisqu’il va falloir vraiment s’approprier les codes, les usages, le cahier des charges qui est propre à chacune des plateformes, à chaque métavers. Pour ça, on va commencer par construire l’environnement digital de la marque sur la parcelle qui aura été préemptée. C’est ce qui s’apparente au “gros-œuvre” quand on fait de la construction dans le monde réel : on va en quelque sorte bâtir les murs, les cloisons digitales de la propriété appartenant à la marque dans le métavers. Mais ce n’est qu’une partie du travail puisqu’une fois cette tâche achevée, il va falloir concevoir toute la scénographie propre au lieu et la renouveler le plus régulièrement possible à l’instar de ce qu’on peut vivre dans les magasins qui vont changer leurs vitrines, leurs décors, leurs animations, au gré des animations calendaires (soldes, printemps, Noël etc.). Ce travail peut être mené en agence par des équipes déjà habituées à travailler sur des problématiques de réalité augmentée et de 3D.

En attendant la montée en puissance du métavers, quelles sont les principales innovations récentes en termes de création publicitaire ?

Le métavers est un sujet en pleine expansion. Evidemment, on suit ça de très près chez Busterwood Studio. On a d’ailleurs un engouement qui se vérifie dans les briefs que l’on peut recevoir. Cela étant dit, ça reste inférieur à la tendance que l’on observe sur les besoins en matière de réalité augmentée, autre technologie digitale d’avenir déjà très mature en 2022.

Quelles sont les opportunités liées à cette technologie  ? Pour quels types d’usage ? 

La réalité augmentée permet aux marques de décupler la performance de leurs communications, que ce soit en matière d’engagement, de conversation, d’interaction mais également en matière de conversion. Avec la réalité augmentée, l’utilisateur devient acteur principal du contenu. Il va ainsi pouvoir s’essayer à des jeux dans l’univers d’une marque mais aussi tout simplement pouvoir essayer virtuellement des produits avant de les acheter comme du maquillage, des bijoux, des chaussures ou encore un sac à main.

Nous avons le privilège d’accompagner de nombreuses enseignes de distribution. Par exemple, avec Carrefour et Snapchat, nous avons enrichi le catalogue de Noël avec la réalité augmentée ce qui permettait d’animer et de tester les jouets depuis son mobile. Je vous invite aussi à découvrir l’opération menée en fin d’année dernière sur la façade de l’opéra Garnier pour Xiaomi afin d’accompagner le lancement du Xiaomi 11T Pro.

Cette technologie est aujourd’hui accessible principalement via un téléphone portable. Les performances vont être décuplées grâce à l’essor de la 5G, qui va améliorer les possibilités, notamment en termes de rendu visuel et très prochainement, l’accessibilité sera encore plus démocratisée et interactive puisque cette technologie viendra infiltrer nos lunettes qu’elles soient correctives ou solaires.

Qui dit métavers dit aussi NFT. Les agences peuvent-elles proposer des créations en NFT ?

Les agences peuvent tout à fait se positionner en matière de conception et de création de NFT. C’est d’ailleurs déjà le cas, le plus souvent via la collaboration avec un artiste identifié ou sous couvert d’un brief d’une marque. L’agence de communication va commercialiser sous deux aspects : d’abord, les frais liés à la production et ensuite, les frais liés à l’exploitation – donc les royautés qui seront à ajouter également aux frais pris par la marketplace qui va authentifier la création ainsi que sa traçabilité durant son exploitation.

Propos recueillis par Benjamin Sagues, directeur & Julie Maubé, consultante

Photographie : Busterwood Studio

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