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Info ou Intox – 2/7

La défiance qui se manifeste aujourd’hui autour des produits que nous consommons et des marques qui les produisent entraîne toute la consommation vers un climat anxiogène et culpabilisant qui ne sert personne: ni les producteurs, ni les industriels, ni les consommateurs. Pourquoi ces doutes? Pourquoi ces inquiétudes? Lynx partners s’interroge sur les modalités et le rôle que joue l’information produit – origine, qualité, composition, transformation, communication – pour comprendre ce qui peut et doit évoluer.

#BienConsommer #ConsommationAugmentée

D’après la toute récente étude Alkemics – OpinionWay sortie hier (mai 2019), plus d’un Français sur deux, a déjà renoncé à l’achat d’un produit alimentaire en raison d’un manque d’information ! Connaître l’origine, la composition, la qualité des produits que nous consommons est devenue une exigence, et qui peut s’en plaindre ? Le dernier observatoire BVA 2018 annonce même que 87% des français veulent connaître l’origine et des informations de traçabilité des produits qu’ils consomment ! Mais comment s’en assurer ? En qui avoir confiance ? Qui pour aider les consommateurs à comprendre, à choisir de bons produits, pour eux et leurs familles, à consommer en toute confiance et en toute conscience ? Où trouver la bonne et juste information ? Car au-delà de la qualité de la production évidemment au cœur du sujet, c’est la qualité de l’information qui pose aussi question. Absente, inexacte, illisible, complexe, elle manque indéniablement son but : être comprise, être utile. Comment mieux informer le consommateur et lui redonner confiance ? Qui pour le faire ?

Trop de labels tue le label ?

Le réglementaire s’est emparé très tôt du sujet en jouant un rôle de garant de la qualité de la production française et en mettant en place nombre de labels. Leur rôle : certifier l’origine et la qualité des produits selon des critères déterminés et encadrés et afficher clairement cette information fiable sur chaque produit. Cette garantie positive a longtemps aidé le consommateur à s’orienter et la production à être de plus en plus régulée et qualitative.

Pendant des années, les labels ont bien joué leur rôle de certificateur mais n’ont pas vraiment boosté la consommation. L’exemple type est celui du commerce équitable qui a stagné malgré les labels de confiance. C’est sur le bio que les choses se sont accélérées. Les volontés des producteurs, des marques et des consommateurs à mieux produire et mieux manger se sont rejointes. La mobilisation, la volonté et l’investissement des distributeurs pour proposer de nouvelles MDD – Marques De Distributeurs – ont également rendu le bio et l’éthique accessibles tant en termes de prix que de géographies.

Cependant, la multiplicité croissante des labels (bio, made in France, label rouge, bleu blanc cœur, sans OGM, sans test sur les animaux, commerce équitable, ….) a compliqué la tâche du consommateur quand il doit faire ses courses et choisir ses produits, et a contribué à augmenter ses questionnements et inquiétudes. Sans parler du fait que sur une même catégorie, plusieurs labels coexistent : on en dénombre trois sur le commerce équitable et il en existe plus d’une trentaine sur le bio en Europe. Pourquoi plusieurs labels ? Auquel se fier ? Pourquoi n’existe-t-il pas une norme généralisée, une notation globale et fiable qui fédèrerait ces labels ou simplifierait l’accès à une information transparente pour le consommateur ?

Le Nutri-Score, une caution plébiscitée mais… non-obligatoire

Conçu dans le cadre du Programme National Nutrition Santé, le Nutri-Score a apporté une réponse : un éclairage visuel et pratique pour les consommateurs en quête d’une information simple et fiable. Logo en 5 couleurs, le Nutri-Score classe, de manière encadrée, les produits de A à E selon leurs informations nutritionnelles : valeur énergétique, teneur en graisses, acides gras saturés, glucides, sucres, protéines, sel, fibres, … pour 100g/ml de produit. La loi Santé de 2016 le recommande à tous les industriels sans qu’il ne soit néanmoins obligatoire. Facile à repérer et à lire pour le consommateur, il est déployé progressivement par les marques. La plupart des applications mobiles de scan-produits en ont fait un élément central de leur interface, contribuant ainsi plus largement à son expansion. Ce n’est pas le cas de Yuka, la plus populaire d’entre elles, qui s’en inspire pour son évaluation mais ne l’affiche pas. Sa généralisation semble attendue puisque qu’une pétition européenne vient d’être lancée par 7 associations de consommateurs pour que la commission européenne le rende obligatoire.

Si cet index composite traite aujourd’hui uniquement les informations nutritionnelles des produits, on voit déjà d’autres initiatives similaires émerger : le débat-citoyen organisé par La Ligue contre le Cancer en novembre dernier a proposé un “Toxiscore” sur les produits de consommation courante, y compris les cosmétiques, pour informer le consommateur sur les risques cancérogènes associés à l’utilisation de tel ou tel produit. Une initiative qui souligne encore le désarroi des consommateurs mal-informés face aux produits qu’ils consomment et leur inquiétude croissante quant à leur santé. Une idée qui préfigure peut-être une nouvelle escalade ou prolifération de normes, à l’instar des labels de qualité, qui risque de ne pas aider ni rassurer le consommateur.

Etiquettes et packaging ne font plus leur boulot

Ces normes et labels jouent un rôle de tiers de confiance entre les industriels et leurs clients. Un rôle d’intermédiaire entre les marques et les consommateurs qui leur garantit une traçabilité et une qualité. Ils jouent aussi un rôle d’intermédiaire media : ils rendent visibles des informations, attendues par les consommateurs, mais devenues illisibles sur les étiquettes et les packagings !

Pour s’informer sur un produit, l’étude Alkemics-OpinionWay révèle que 64% des Français lisent l’emballage, loin devant tous les autres moyens. Tout simplement. Pourtant, bien que standardisées, les étiquettes des packagings utilisent une nomenclature très spécifique et peu accessible à la majorité des consommateurs. Elles doivent embarquer un nombre croissant d’informations pour la logistique principalement (traçabilité, stock, encaissement,…), elles sont de moins en moins destinées au consommateur et sont devenues de moins en moins lisibles par l’homme au profit des lectures-machines. Le règlement européen INCO (INformation COnsommateur) n’aide pas beaucoup à l’amélioration de leur lisibilité. Il prévoie que la taille de police minimum soit de 1,2 millimètre et descende même jusqu’à 0,9 millimètre pour les petits emballages. Un choix peu « consumer-friendly » qui permet aux fabricants de minimiser les informations essentielles, comme l’origine et la composition des produits, et d’ utiliser l’espace du packaging pour la marque et les opérations marketing. 

Les nouvelles applications mobiles, que l’on a vu exploser ces derniers mois à l’instar de Yuka et de ses 10 millions de téléchargement, ont bien compris la place fondamentale du packaging et de l’étiquette produit dans ce retour à la confiance. Elles investissent à leur tour cette position intermédiaire au plus proche du consommateur pour décrypter, pour lui, les étiquettes, et en proposer une lecture simplifiée, accessible, et adaptée aux attentes de chacun sur leur smartphone.

Nous verrons dans un prochain article le rôle, les avantages et les limites de ces applications.

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