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Comment le télétravail a modifié notre façon de collaborer et de manager

C’est avec surprise et agilité que nos entreprises ont été propulsées dans le travail à distance. Passées les adaptations logistiques en mode forcé et accéléré, le télétravail a autant bouleversé nos habitudes professionnelles que le quotidien des équipes. Il a aussi accentué le rôle clé des managers et ouvert la voie à de nouvelles pratiques qui font progresser et gagner en efficacité.

Rencontre avec Fanny Sibeud, Directrice Marketing, Communication et Expérience Client chez INVIVO RETAIL qui nous livre ses apprentissages et ses conseils.

Fanny Sibeud

Comment avez-vous vécu le passage au 100% télétravail ?
Travailler tous ensemble à distance, en nous équipant et en se familiarisant avec des outils comme Teams, a été d’autant plus difficile à relever que notre nouvelle organisation InViVo Retail était jeune – déployée en février 2020 seulement quelques jours avant le 1er confinement – et que tous nos collaborateurs ne se connaissaient pas encore lorsque nous avons été propulsés dans la crise et le 100% télétravail. Il nous a fallu prendre nos « nouvelles » marques très vite pour bien nous connaître et collaborer, garder l’impulsion de notre nouvelle organisation et l’efficacité de nos opérations !

Vous évoquez le télétravail comme une course d’endurance, pourquoi ?
Oui, mais c’est surtout le sujet du 100% télétravail projeté dans ce contexte de crise qui demande une forte endurance. Depuis mars 2020, les équipes ont été durement éprouvées et pourtant, il faut tenir sur la longueur. Cette situation sanitaire inédite et teintée d’incertitudes imposent de bouger nos calendriers commerciaux en permanence et d’adapter dans des temps records nos dispositifs de communication et d’animation clients. Il faut apprendre à s’organiser et à adapter chaque journée à ce monde 100% distanciel. Depuis septembre-octobre, un guide de bonnes pratiques a été diffusé par les RH, qui permet à chacun d’avoir un cadre commun d’activité à distance, de travailler plus efficacement ensemble mais aussi de lutter contre les effets pervers et délétères de l’hyperconnexion.

Il y a donc de bonnes façons de télétravailler ?
L’important avec le télétravail est plus que jamais d’équilibrer les temps de vie professionnelle et personnelle.

C’est pourquoi, nous avons formalisé des règles diffusées à toutes nos équipes :
– Les plages horaires 9h-12h / 14h-18h doivent prévaloir pour les réunions.
– Les emails doivent être envoyés entre 8h et 19h. En dehors de ces plages horaires, les collaborateurs ne sont pas tenus d’y répondre. Si des emails doivent être envoyés plus tôt ou plus tard, il est demandé de programmer ses envois.
– Les réunions ne doivent pas excéder 50 minutes. Si c’est le cas, c’est peut-être que la réunion a été mal préparée, ou qu’elle implique un trop grand nombre de participants. Chaque organisateur est donc formellement invité à bien circonscrire l’objet de la réunion, et à bien identifier les participants requis pour le traiter.
– L’ordre du jour de chaque réunion doit être envoyé au préalable comme les documents-supports, pour que chacun puisse en prendre connaissance et optimiser le temps de réunion. Si, exceptionnellement, une réunion est appelée à dépasser 50 minutes, il faut que son objet le justifie vraiment et une pause de 10 minutes doit alors être prévue toutes les 50 minutes.
– Les règles de savoir-vivre restent valables en visio-conférence : dire bonjour et au revoir ; allumer sa caméra en début et en fin de réunion ; couper son micro par défaut ; lever la main pour demander la parole.
– Les chats Teams sont encouragés en place et lieu des emails réactifs.
– Les « répondre à tous » ou les « cc » intempestifs sont à utiliser seulement quand cela est utile, sans quoi les boîtes-emails se retrouvent rapidement saturées. Sans parler du fait qu’un email est aussi énergivore qu’une ampoule allumée pendant 1 heure !

Évidemment, il s’agit aussi d’être bien équipés par son entreprise et accompagnés à découvrir et à bien utiliser tout le potentiel de ces nouveaux outils.

« Les réunions ne doivent pas excéder 50 minutes »

workteam

Les équipes se sont-elles rapidement converties à ces nouvelles manières ?
L’expérience a montré qu’il est difficile d’installer toutes ces bonnes pratiques du jour au lendemain : ces outils restent nouveaux et les habitudes « présentielles » sont de vieux réflexes. Et cela est vrai à tous les niveaux, y compris au niveau du top management. Pour qu’elles entrent dans les usages, les règles doivent être répétées et les managers doivent à la fois se responsabiliser, montrer l’exemple et encourager leurs équipes à les suivre.

Le rôle du manager a-t-il évolué avec le télétravail ?
Oui, les managers ont une responsabilité plus forte je trouve dans ce contexte et un rôle accru sur la performance opérationnelle autant que sur le moral des troupes. À distance, l’objectif du manager est de rendre les collaborateurs responsables, autonomes, de leur faire confiance et de construire les choses ensemble. Ce rôle essentiel dans la dynamique collective peut aussi être lourd à porter. Au moment du 2ème confinement, je trouve que les choses ont été plus compliquées sur le plan psychologique. Les collaborateurs s’attendaient à reprendre le travail en mode hybride (mix présentiel-distanciel) à la rentrée et à retisser le lien social qui avait été mis à mal. Cette reprise n’a pas été possible. En tant qu’acteur économique engagé et responsable, nous continuons à suivre les directives gouvernementales et à favoriser ainsi le 100% télétravail quand cela est possible afin de minimiser l’exposition de nos collaborateurs et de contribuer également à limiter la circulation du virus. Les managers ont dû trouver les moyens de maintenir les liens. Certains prévoyaient par exemple chaque jour un petit meeting rapide. Nous avons aussi instauré depuis la fin d’année un Teams Café chaque mois avec l’ensemble de mes équipes – donc avec les 60 personnes présentes au sein de ma Direction. C’est l’occasion pour que les équipes partagent à nouveau des moments informels en plus de points-clés de leurs projets respectifs, le tout dans une ambiance conviviale (nous avons par exemple lancé notre 1er Teams Café en Dress Code « Tenue de Noël » ! ?).

« L’objectif est de rendre les collaborateurs responsables, autonomes, de leur faire confiance et de construire les choses ensemble »

Comment les managers sont-ils accompagnés dans ce rôle ?
L’équipe RH organise des DRH meetings régulièrement. Il s’agit de moments où la DRH et ses équipes s’adressent à tous les managers de l’entreprise, du top manager jusqu’au manager de proximité, pour partager de l’information, écouter, répondre aux questions, accompagner dans les difficultés… Ces moments sont très appréciés des managers qui renforcent le lien direct avec les RH et développent l’entraide entre managers. C’est une véritable communauté de managers qui s’installe progressivement et que les RH anime et accompagne. D’un seul coup, on passe aussi à un tout autre mode de relation et de fonctionnement : l’organisation s’horizontalise, valorise et responsabilise, de ce fait, encore plus chaque manager dans son rôle. J’assiste en effet à ces meetings au même titre que mes N-1 et mes N-2.

En tant que manager, que faites-vous maintenant que vous ne faisiez pas avant ?
Personnellement, je veille à organiser plus de réunions en mode flash, plus brèves mais plus fréquentes. Je prévois une réunion hebdomadaire de 45 minutes tous
les mercredis matins avec mes N-1, pour échanger sur les actualités, faire le point sur les besoins, les alertes éventuelles et partager en transverse. J’ai également maintenu notre rituel d’une journée mensuelle mais elle est plus courte qu’en présentiel et nous faisons des pauses régulières. Une journée entière en Teams, c’est lourd et compliqué. C’est le rythme que je pense garder par la suite lorsque nous serons en mode hybride. Il est important de conserver ces moments où on travaille plus en profondeur sur des sujets tous ensemble.

Pensez-vous conserver certaines de ces nouvelles pratiques à la reprise ?
Bien sûr ! Il est évident que la reprise se fera en mode hybride. Le 100% physique a ses limites, tout comme le 100% distanciel, et les équipes adhèrent totalement à la perspective de ce mode hybride. Le télétravail a montré qu’étaient possibles des modes de fonctionnement auxquels on ne croyait pas. Il a également montré qu’on pouvait accomplir diverses tâches simultanément sans perdre son efficacité : participer à une réunion, poursuivre une autre tâche, chatter avec un collègue qui apporte instantanément la réponse dont on a besoin pour avancer. Nous avons tous gagné en agilité et en interaction avec ces nouveaux outils. Chez nous, cette instantanéité est toute récente : en termes d’outils collaboratifs, on commence à bien utiliser le potentiel d’outils. Tout est en train de basculer sur Teams, One Drive, et toute la Suite de Microsoft : je trouve que ça amène vraiment de l’instantanéité qu’on n’avait pas vraiment avant – c’est donc très positif en termes de rapidité et de facilité. Je crois aussi beaucoup à l’utilité et à l’efficacité d’outils en ligne de co-création comme Klaxoon ou Becast, sur lesquels mon équipe s’est portée pilote, et je les utiliserai aussi dans nos réunions présentielles. Avec le reconfinement, un nouveau cap a été franchi : il a accéléré l’optimisation de la productivité et a permis de prendre conscience de la plus-value du télétravail en termes de performance. Néanmoins, sur cette performance plane toujours le risque du surmenage et de l’hyperconnexion.

Comment la reprise du travail en présentiel a-t-elle été planifiée ?
Nous avons projeté un mode hybride : 40-50% en physique et 50-60% en télétravail. 5 modes d’organisation différents ont été prévus et peuvent être mixés au choix de chaque équipe, collaborateur et manager, en fonction des besoins et des contraintes de chaque métier. L’objectif est de permettre à chaque manager d’être autonome tant pour l’organisation du travail avec son équipe que pour les outils. Le travail au bureau est aussi repensé en mode flex office avec une jauge de 50% de places par équipe et une grande variété d’espaces complémentaires. Les directeurs n’ont pas non plus de bureau attitré.

« Les équipes adhèrent totalement à la perspective d’un mode de travail hybride »

C’est un vrai projet de transformation, non ?
Nous avons en effet lancé un projet stratégique et structurant, qui constitue un pilier majeur de notre projet de transformation : la co-construction de nos pratiques managériales alignées avec notre raison d’être, nos valeurs et le projet d’entreprise, en embarquant tous les collaborateurs (magasins, sièges, usines et entrepôts…). Notre organisation, jeune, compte 12 000 collaborateurs, intégrés, franchisés, et s’appuie sur des modes managériaux différents d’un magasin à l’autre, d’une enseigne à l’autre. Le but est que tous, qu’ils travaillent en présentiel ou en distanciel, fonctionnent ensemble et que soient institués des rituels et des comportements qui devront guider et accompagner l’ensemble des collaborateurs et des managers. Ce projet a démarré en fin d’année. Un sondage de grande ampleur a été conduit sur les valeurs du groupe, le bien-être et le confort au travail, les pratiques managériales. Le taux de réponse est exceptionnel – plus de 75% des collaborateurs et plus de 13 000 commentaires. La prochaine étape est de co-construire les pratiques managériales en plaçant l’humain au centre, en étant aussi portée et sponsorisée sur le terrain pour être adoptée par tous.

Une question pour terminer : quel est votre tips pour une journée à distance réussie ?
Commencer par 30 minutes de repli sur soi pour préparer sa journée et en définir les grandes lignes. Cela ne vaut pas que pour le distanciel : c’est ma manière de procéder en général, car pour 30 minutes de préparation personnelle, c’est beaucoup de temps gagné par jour !

Propos recueillis par Stéphanie Çabale, directrice associée

Illustrations : NordWood Themes, Dylan Gillis

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