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L’expérience Consommateur| Les premiers impacts du Covid sur le marketing

Dans cette série consacrée aux premiers impacts du Covid sur le marketing, nous proposons un éclairage sur 3 angles : Le paysage Media, L’expérience Retail et dans ce dernier article les attentes des consommateurs.

La crise Covid-19 a bousculé le quotidien, les comportements et les attentes des Français en tant que consommateurs. Quelles sont leurs nouvelles attentes ? Quels sont les modes de consommation appelés à perdurer au-delà de la crise, une fois l’émotion passée ?

Au même titre que les entreprises, les français ont dû s’adapter pendant le confinement, quelle que soit leur situation socio-professionnelle. La présence d’enfants au foyer a été pour beaucoup un challenge supplémentaire d’adaptabilité. Au delà de ces changements d’habitudes, les français ont modifié leurs comportements et leurs attentes en tant qu’individu, consommateur et citoyen.

Le foyer, valeur refuge du confinement portée par le télétravail et le e-commerce

le foyer

Le télétravail a été un des changements majeurs du confinement et des semaines qui ont suivi. Certaines entreprises avaient anticipé depuis plusieurs mois cette nouvelle méthode de travail. D’autres en étaient encore bien loin. Pourtant, elles ont toutes été forcées à franchir le pas en mars, et ce en quelques jours seulement. Les entreprises et les salariés déjà familiarisés avec la culture du télétravail s’en sont bien sortis. Cela s’est révélé bien plus challengeant pour les entreprises dont le personnel était peu ou pas équipé (ordinateur portable, téléphone portable pro, …). Finalement, au regard du bilan positif, les entreprises l’ont adopté et adapté bien au-delà du déconfinement du 11 mai dans les secteurs qui le permettent.

Les relations quotidiennes avec son manager, son équipe, ses clients et ses prestataires ont été bouleversées. Cela a également impliqué d’organiser un espace et un temps de travail au sein de son habitat. La gestion vie privée / vie professionnelle a été un réel défi pour de nombreux français. Pour certains, les déjeuners à la maison ont remplacé les déjeuners en équipe ce qui a aussi impacté les achats alimentaires du quotidien. Avec les repas pris à la maison, il a fallu faire face à un besoin plus important alors même que les magasins étaient peu accessibles et les rayons se vidaient rapidement. Les Français se sont tournés massivement vers le drive et le e-commerce mais souvent en vain, notamment lors des premières semaines. Cette accélération du e-commerce alimentaire mais aussi pour d’autres secteurs comme la mode devrait se poursuivre d’autant que les retailers ont beaucoup appris de cette période. Ils s’organisent pour améliorer leur process et répondre au mieux aux nouvelles attentes du consommateur.

Finalement, le foyer, considéré au début du confinement comme une contrainte liée à l’interdiction de déplacement, s’est révélé être un lieu de vie apprécié et à fort potentiel pour de nombreux Français.

Le consommateur citoyen : enfin?

conso citoyen

La crise a aussi révélé et exalté l’accélération du passage à une consommation fondée sur des valeurs, déjà amorcée avant la crise. Partant du principe que la crise sanitaire avait pour origine la Chine et la mondialisation pour cause principale de sa propagation rapide, les français ont proclamé leurs désirs soudains d’éthique, d’achat de proximité et de production et savoir faire « made in France » (voire de made in local).

Les entreprises ont alors opportunément communiqué et surfé sur un marketing citoyen qui a remplacé les discours d’avant crise. Les starts ups présentes sur le domaine de l’agriculture et le savoir faire local ont aussi bénéficié de médiatisation sans précédent. La crise a révélé et exalté l’accélération du passage à une consommation fondée sur des valeurs… cependant, tout n’est pas si simple !

Premièrement, parce que les Français ne sont pas à une contradiction près et ils l’ont montré malgré eux pendant le confinement :

  • Solidaires… mais pas trop ! En communion quotidienne à 20h avec le personnel soignant, bénévoles pour venir en aide aux personnes isolées… mais aussi symbole du chacun pour soi au moment de faire ses courses et de stocker des paquets de pâtes plutôt que de laisser les derniers en linéaires pour d’autres
  • Instables dans leurs jugements : une partie des français a massivement apprécié et valorisé l’action d’entreprises pendant le confinement… avant des les accuser de profiter de la crise. Par exemple, les enseignes de distribution, globalement plébiscitées comme les marques qui ont le mieux accompagné les Francais pendant la crise (mesures en magasin pour assurer la sécurité, favoriser les protections en plexiglass, proposer des primes aux employés) ont été accusées dès le mois de mai de profiter des ventes de masques pour gonfler leurs profits. Certaines marques de luxe qui ont fourni gracieusement des gels hydroalcooliques ont été accusés de choisir leurs causes. Au final, seules quelques marques en sortent totalement « grandies » comme Canal+ et Orange pour la gratuité des programmes et surtout Decathlon pour le partage des masques et respirateurs.

Ensuite, parce que l’accélération du passage à une consommation fondée sur les valeurs est un vœu… lorsque cela est possible : la crise et la perte de pouvoir d’achat pourraient les pousser à adopter des comportements contraires à leurs valeurs. Et faire ressortir une tension entre le vouloir et le pouvoir. Intermarché a ainsi communiqué ces derniers mois sur les prix bloqués et la sélection de produits français pour défendre le pouvoir d’achat des consommateurs et protéger les revenus des agriculteurs et pêcheurs français.

Nous pensons que les français vont, plus que jamais, être très attentifs aux actes et aux communications des marques. Les efforts consentis par les marques pendant la crise doivent être ressentis comme pérennes (accompagnement des salariés, aide pour les plus fragiles avec des services spéciaux pour eux, made in France, …). Dans le même temps, les communications seront décryptées avec attention pour distinguer les marques actives des marques opportunistes et communicantes.

Finalement, le concept de « consommateur citoyen » repose davantage sur le challenge des marques qu’il consommera que sur un comportement individuel exemplaire. Il n’est pas prêt à renoncer à certains achats et habitudes « plaisir ».

Demain, l’expérience consommateur sera impactée par les mutations imposées par le confinement

demain retail

Il est incontestable que les modes de vie et de consommation ont évolué. Il n’est certes pas question d’un « monde d’après ». En effet, le « monde d’avant » ne va pas s’interrompre mais il va devenir plus complexe et plus exigeant. Certaines mutations « subies » pendant la crise du Covid-19 sont appelées à se pérenniser par choix.

Le foyer a acquis une place de pilier, de repère et de cocon : les repas sont pris ensemble à la maison, le bricolage, le jardinage ou la cuisine sont devenus des loisirs plébiscités, les formes de sociabilité numérique s’y développent depuis les écrans, … Cela s’accompagne de changements d’habitude : le stockage raisonnable, les produits/marques repères pour le foyer, le choix de produits frais, le boom des produits de première nécessité pour le « faire soi même » (DIY).

Si le lieu de vente ne peut prétendre atteindre un tel niveau d’accueil, de personnalisation et de bien être, les habitudes changent et l’expérience retail des consommateurs va évoluer de fait. Le consommateur a les cartes en mains : dans ses choix (commerces de proximité versus grande distribution, origine des produits versus prix, …) et dans ses attentes spécifiques en point de vente (capacité et qualité de l’accueil malgré les consignes sanitaires, qualité de l’expérience omnicanale, …).

Le consommateur est aussi plus autonome dans son parcours digital : il a ainsi (re)découvert des services qui existaient déjà mais dont il ne faisait pas encore usage : l’utilisation du drive, de la livraison à domicile, mais aussi les opérations bancaires, l’affranchissement d’une lettre recommandée via l’impression du bordereau d’envoi sur sa propre imprimante, … Les adeptes des livraisons, de plus en plus nombreux, dont l’habitude s’est généralisée pendant le confinement, n’accepteront plus de patienter ou d’être dérangés tous les jours par des livreurs. Cela implique d’inventer de nouveaux modes et rythmes de livraison, tels que la mutualisation ou l’abonnement, pour recevoir un seul jour dans la semaine l’ensemble des commandes passées la semaine précédente.

Enfin, le consommateur a moins de raisons de se déplacer sur le point de vente. L’expérience devra alors y être excellente pour le convaincre d’acheter et de revenir. Car si le consommateur est plus responsable, il est aussi plus impatient de retrouver… son foyer.

Benjamin Saguès, directeur

Illustrations : Goran Ivos, Mitch Hodge et non créditées

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