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La publicité sur Netflix : saison 1

Le paysage audiovisuel français a été secoué ces dernières semaines. Plus que les grilles de rentrée 2022/2023 et le conflit entre Canal+ et TF1, 2 événements ont particulièrement retenu notre attention.
D’abord, le feuilleton TF1/M6 vient de se terminer par l’abandon du projet de fusion (et un changement de direction pour TF1 et des projets de revente finalement abandonnés pour M6). Ensuite et surtout, l’arrivée de la publicité sur la plateforme Netflix dès novembre prochain. Une offre qui inspire mais qui pose aussi des questions de fond sur la mesure et l’audience. Alors, faut-il y investir ?

Ce qui est rare est précieux

Les tarifs publicitaires communiqués par Netflix pour la France s’inspirent de l’adage : “ce qui est rare est précieux”. Autrement dit ici, « cher ». La tarification annoncée est de 49€ du CPM en 30s, coût qui pourra varier selon les options de ciblage sélectionnées. Avec de surcroît un ticket d’entrée annuel minimum à prévoir. C’est près de 3 fois plus cher que le CPM en VOL, et jusqu’à 10 fois plus cher que la TV linéaire. L’offre est donc segmentante, à moins que l’annonceur y voit un coup RP pour témoigner de l’innovation de sa communication.
En effet, à ce stade, les données liées à la cible sont encore floues. Qui seront les abonnés touchés ? Qui seront les souscripteurs à cette offre « dégradée » contre une remise sur leur abonnement ? Cette cible sera-t-elle (encore) premium ?
D’un autre côté, malgré les incertitudes sur le profil de l’audience, il apparait qu’il s’agira probablement d’une cible qui consomme moins que la moyenne la TV linéaire. Cela peut avoir un intérêt en complément d’un plan TV pour augmenter la couverture sur la cible, rôle que jouent aujourd’hui la VOL, le display voire la TV segmentée.
En fonction de ces éléments, alors la compétitivité du CPM, qui va évoluer, pourra être rediscutée.

Seul ce qui se mesure a de la valeur

La valeur de l’écrin se paye, en media comme ailleurs. C’est vrai pour Netflix, avec les limites évoquées précédemment, mais ca l’est aussi tout autant pour l’ensemble des media. Les meilleurs emplacements se négocient de moins en moins (écrans en prime time sur les chaines hertziennes, emplacements préférentiels en presse, …) au contraire du reste des inventaires. Netflix capitalise aussi sur le format vidéo qui est indiscutablement celui qui concentre aujourd’hui la majorité des investissements hors SEA.
Cependant, il nous parait impératif que Netflix apporte des réponses, avec transparence, aux sujets attendus : profil du spectateur, audience, capacité de ciblage, brand safety, qualité du reporting… Pourtant, à ce stade, Netflix n’envisage de faire appel à aucun tiers certificateur avant plusieurs mois (2024 est évoquée). Ces données sont pourtant clés afin d’apporter des éléments de réassurance aux acteurs du marché. Elles sont d’ailleurs déjà unanimement réclamées par les régies TV et par l’UDM afin d’éclairer la compétitivité de l’offre Netflix versus celles déjà proposées par les régies du marché.

Cela ne présume en rien du succès commercial de l’offre de lancement de Netflix (finalement, les annonceurs ont vite pardonné à Facebook les approximations ou manipulations de KPIs de performance de campagne). Mais à plus long terme, les annonceurs qui souhaitent investir sur ce type d’offres devront revoir leur stratégie des moyens et arbitrer entre leurs investissements TV et Digital notamment. Dans ce contexte, même s’il faut innover pour se différencier, comment réaliser des choix éclairés sans data ?

Illustrations : Dima Solomin

Benjamin Saguès, directeur

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