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Transformer et flexibiliser sa logistique I Les entreprises face à la Covid

L’année 2020, marquée par la crise de la Covid-19, a mis le domaine logistique à rude épreuve. Toutes les entreprises ont dû répondre aux défis posés par l’enchaînement de confinements successifs, le ralentissement de la chaîne de production et de distribution, et la constante évolution des règles sanitaires.

Flexibiliser et repenser la production en amont…

Le premier maillon de la chaîne de valeur logistique a été mis à rude épreuve lors de l’année 2020. Les aléas de production sont devenus monnaie courante au cours de l’année et en particulier au début de la crise sanitaire. Il est donc devenu indispensable pour les entreprises, de se munir d’outils logistiques performants afin d’anticiper, ou de réagir rapidement face aux changements dans la chaîne de production et adapter les flux rapidement. Siemens a par exemple développé la Digital Enterprise, technologie qui permet aux entreprises qui l’utilisent d’adapter rapidement leur production. Bon nombre d’entreprises ont également limité leurs stocks, une approche certes court-termiste, mais permettant de préserver la trésorerie. Les acteurs les plus flexibles quant à eux, ont mobilisé leurs unités de production pour la fabrication de produits rendus vitaux par la pandémie. Saint-Gobain par exemple a participé à la fabrication de matériaux et composants à usage médical.

…mais aussi la distribution en aval

Face à la crise sanitaire, les consommateurs ont soudainement changé leurs habitudes de consommation : les sites de e-commerce ont été pris d’assaut, et les demandes en termes de livraisons et de stocks disponibles ont été sans précédent. Avec la fermeture des commerces non-essentiels en novembre 2020 par exemple, les sites e-commerce ont connu un bond plus spectaculaire encore qu’au premier confinement, et ont ainsi vu la fréquentation de leur site propulsée de 152%. Ces nouvelles habitudes de consommation ont bouleversé la distribution dans la chaine logistique. Il a fallu l’adapter afin d’absorber les flux multicanaux (magasin, e-commerce, application, média sociaux,…) et d’enrichir l’expérience client en capitalisant sur le digital.

Il est devenu indispensable en 2020 d’optimiser le management de l’information entre les différents canaux utilisés par les entreprises. Ceci peut représenter un véritable challenge quand l’omnicanalité complexifie le réseau d’acheminement jusqu’au consommateur. La consolidation et qualification efficace de la donnée client est essentielle pour que l’entreprise puisse lui offrir un parcours client adéquat et sans accroc. D’après l’étude Init 2020 « Etat des lieux de la relation client », 46% des entreprises ont investi dans les bases de données CRM, afin de pouvoir s’appuyer sur des outils fiables et utiles pour personnaliser la relation client.

Afin de faire preuve d’une distribution à l’épreuve de la crise sanitaire, il est également indispensable d’être flexible en termes de main d’œuvre, que ce soit concernant le nombre de personnes requises ou leur formation. Devant les 30% de volumes supplémentaires correspondant au second confinement, La Poste s’est dotée d’une plateforme d’entraide qui permet aux postiers de venir en renfort dans un établissement dédié aux colis ou dans un bureau de poste. Le Groupe a également recruté 9000 CDD et intérimaires afin de répondre au mieux aux demandes des fêtes de fin d’année.

Relocalisation, circuits courts et traçabilité : la chaîne logistique raccourcie

la chaîne logistique raccourcie

Un bouleversement s’est également opéré dans la manière d’appréhender la chaîne du producteur au consommateur, dans un souci à la fois économique et de RSE. On remarque tout d’abord, l’avènement d’une volonté de relocaliser certaines des unités de production des entreprises. Cette prise d’indépendance permet d’éviter une vulnérabilité lors de crise paralysant les flux logistiques. C’est ainsi que Danone a décidé de fragmenter son parc de production, passant de 6 usines ultra-modernes et ultra-digitales à plus d’une quarantaine dans le monde, plus proches des marchés. Cette velléité, encore hésitante avant la Covid, est désormais fermement soutenue et encouragée par l’Etat. Des aides à la relocalisation industrielle sont proposées, pour les projets dans les 5 secteurs stratégiques de la santé, l’agro-alimentaire, l’électronique, les matières premières essentielles à l’industrie et les applications industrielles de la 5G. L’objectif est de rendre les entreprises françaises moins vulnérables face à la fermeture d’éventuelles frontières par exemple. Le Coq Sportif n’est pas en reste, puisque la nouvelle collection éphémère France Rugby dévoilée en décembre 2020, a été réalisée en collaboration avec des ateliers tricolores, localisés à Troyes et Romilly sur Seine. Ces partenariats noués en 2020 ont vocation à être pérennisés.

La chaîne de valeur a également été repensée, afin de valoriser et soutenir le tissu économique local si particulier. Différentes initiatives ont vu le jour ou se sont accélérées en 2020 afin de préserver les emplois locaux notamment par le digital, pour faire concurrence à l’hégémonie des grands acteurs du e-commerce:

  • La marketplace du collectif des boutiques du « fabriqué en France » a été créé après la première vague de l’épidémie, mettant le savoir-français sous les projecteurs.
  • Une économie locale du livre, fédérant plus de 2500 libraires contraints de fermer pendant le confinement, a été créée sur le site lalibrairie.com. Leur cheval de bataille : grignoter le terrain de jeu d’Amazon qui pèse pour 50% des parts de marché des ventes de livres en ligne.

Enfin, la chaîne de production et de distribution est réexaminée dans un souci de traçabilité. En effet, il semble qu’une chaîne de production courte soit plus facile à contrôler, laissant moins de place aux aléas logistiques, et plus de place aux contrôles qualité. C’est ainsi qu’Intermarché accentue son ancrage local, pour favoriser les circuits courts et le savoir-faire français, avec le « Zéro Intermédiaire » et le Franco-Score.

De la production à la distribution, la chaîne logistique a été revue au global. Les entreprises ont retravaillé leur copie pour apporter plus de flexibilité, notamment en favorisant le « local first ». Ainsi, selon Les Echos, « Danone veut redonner du pouvoir à des régions plus agiles et performantes pour être à la fois plus économe et efficace » quitte à « tailler dans les effectifs des sièges mondiaux et locaux en supprimant jusqu’à 2.000 emplois ».

Au-delà de la logistique, la crise sanitaire a donc forcé les entreprises à revoir entièrement leur organisation interne. Plongez-vous dans notre dernier article consacré aux nouveaux besoins et pratiques qui ont émergé en termes de management et des process de travail des entreprises.

Aline Frapech, consultante et Benjamin Saguès, directeur

Illustrations : Marcin Jozwiak, Capturing the human heart

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