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L’omnicanalité centrée-client selon Sylvie Latour pour La Poste.fr : sobriété, accessibilité et proximité

Après 10 ans de Marketing chez GMF Assurances et presque tout autant d’années chez SNCF, Sylvie Latour est passée Directrice Générale Déléguée chez Rue du Commerce et Directrice de la stratégie cross canal chez Altaréa et Rue du Commerce avant d’entrer dans le groupe La Poste en 2016. Elle y occupe depuis 5 ans le poste de Directrice e-Commerce, Distribution Digitale et Plateforme Numérique.

Historiquement centrée sur son réseau, La Poste effectue une transformation digitale profonde depuis des années, en adressant les besoins essentiels de ses clients et en adaptant son organisation à leurs nouvelles attentes. Sylvie Latour, Directrice e-Commerce et Distribution Digitale des activités courriers et colis chez La Poste, nous livre sa vision de l’omnicanalité, ses grands enjeux et ses chantiers prioritaires dans les parcours clients.

Selon vous, quels sont les prérequis d’une stratégie omnicanale pour répondre aux attentes des consommateurs ?

Sur l’omnicanalité, et avant toute chose, la priorité en termes d’expérience client est de toujours penser à simplifier les parcours afin que le client passe d’un canal à un autre sans y penser. Je vous donne un exemple :
Sur nos timbres, nous avons souvent des collections qui rencontrent un grand succès sur Laposte.fr, et le stock s’épuise vite. Or, ces timbres sont encore disponibles en bureau de poste. Dans un modèle retail simple, il faut signaler au consommateur la disponibilité du produit dans le point de vente le plus proche de chez lui, à défaut pour lui de le trouver en ligne. Inversement, il existe des collections de timbres spécifiques sur Laposte.fr, que le chargé de clientèle pourrait commander sur Smarteo (Smartphone professionnel destiné au personnel des bureaux de poste), pour le compte du client qui lui en ferait la demande en bureau de poste.

Notre organisation, jusqu’à présent, ne permettait pas de réaliser ces deux actions. Aujourd’hui, des changements profonds ont été initiés pour nous permettre d’optimiser ces problématiques omnicanales : une réorganisation en février dernier a rassemblé sous une même direction Grand Public et Numérique, pilotée par Nathalie Collin, le digital, le réseau et le marketing.
A mon sens, l’un des prérequis pour accélérer tous ces sujets d’omnicanalité est donc que l’organisation interne se structure pour être en capacité d’activer une expérience client simple et fiable.

Quels sont les sujets autour de l’omnicanalité que vous avez priorisés pour Laposte.fr ?

3 sujets ont été immédiatement prioritaires pour nous. Quand on est un réseau comme La Poste avec une présence territoriale très forte, la priorité absolue est un service aussi simple qu’essentiel : l’information donnée au client sur les horaires d’ouverture et les adresses des bureaux de poste, à la fois sur les moteurs de recherche, sur Google en particulier et sur Laposte.fr ! Savoir si la poste est ouverte ou non est en soi un sujet pour nos clients, puisqu’aucun bureau de poste n’a les mêmes horaires. De plus, une partie des horaires étaient faux jusqu’alors car non mis à jour ou non référencés. Nous avons donc travaillé d’arrache-pied avec un prestataire, et depuis début mai 2021 ; tous les horaires d’ouverture et de fermeture de nos bureaux sont remis à jour toutes les 15 à 30 minutes sur Google. Nous avons répondu à ce besoin qui était largement prioritaire, quand on sait que la consultation des horaires représente 130 millions de visites par mois sur Google. Aujourd’hui cela paraît évident mais il y a 2 ans, aucune enseigne de retail n’était encore en capacité de fournir en temps réel ses horaires actualisés.

« Le localisateur, outil au service d’une expérience omnicanale, facilite vraiment la vie des clients sur notre site. »

Notre 2ème axe prioritaire a été de donner à nos clients de la visibilité sur les services disponibles dans chaque bureau de poste, toujours dans ce même esprit de faciliter la vie de nos clients. Nous avons lancé sur notre site Laposte.fr notre « localisateur de services » : en plus des horaires, ce service permet de savoir si dans tel bureau on peut déposer des colis, s’il est équipé d’une station pickup ou d’un point de retrait Colissimo… Ce service couvre à peu près 30 000 points de vente ou de retrait colis. C’est une bonne illustration d’une omnicanalité en marche, puisqu’ici c’est le digital qui apporte la connaissance au client via le site de tous les services et de toutes les offres accessibles dans chaque bureau de poste en lui indiquant aussi comment y accéder.

Enfin, notre 3ème décision a été de partager, entre notre site et le réseau, un compte client commun aux mains de chaque consommateur afin de simplifier son parcours et ses achats. Lorsqu’un client effectue un achat en bureau de poste ou sur le site, son compte lui permet de ne pas saisir à nouveau son identité ou son adresse, de consulter son historique, de commander à nouveau en un clic… Un vrai gain de temps. Pour nos équipes, ce compte agrège les données personnelles, transactionnelles ou encore d’usage. Cette centralisation de données est un autre prérequis important de l’omnicanalité pour pouvoir servir les clients plus vite et de façon plus personnalisée. Mais aujourd’hui, si 100% de nos clients en ligne se connectent à leur compte, ce n’est pas toujours le cas en bureau de poste. Les bureaux ont donc encore trop peu de visibilité sur qui vient acheter quoi, qui revient, qui ne revient pas. Il y a donc un écart en termes de capacité à animer, à rebondir… Notre prochain défi est donc de montrer et de multiplier les bénéfices à utiliser ce compte en bureaux de poste !

Vos offres diffèrent entre bureaux de poste et catalogue en ligne. Cette différence est-elle un choix d’omnicanalité ?

C’est à la fois un fait et un choix. Personne ne peut proposer « physiquement » la profondeur d’un catalogue en ligne, ni en termes d’offres ni de stock. De la même manière, certains services « physiques » ou « humains » resteront la force du bureau de poste car ils nécessitent un accompagnement et du conseil. Notre choix d’omnicanalité est de faire profiter nos clients du meilleur des deux mondes.
Deux exemples :
-En bureau de poste, nous travaillons à l’augmentation de la commercialité au service du client, en donnant accès par exemple, sur le Smarteo du chargé de clientèle, à tout le catalogue de notre marketplace. Concrètement, un client qui viendrait souscrire un contrat de transfert du courrier parce qu’il déménage, pourra se voir proposer l’achat de cartons, d’emballages, et de tout ce dont il a besoin pour bien organiser son déménagement.
-De même, nous avons en 2021 un grand programme autour du facteur guichetier : le facteur aura la possibilité d’effectuer des opérations clients comme un chargé de clientèle. Et ce sur place, au domicile des clients !

Cette extension de la commercialité est un élément assez nouveau dans notre culture d’entreprise.

Avec l’explosion du e-commerce, votre qualité de service est plus attendue que jamais. Que voulez-vous apporter d’autre à vos clients ?

De même que les horaires des bureaux de poste peuvent créer du stress et de l’anxiété, nous avons identifié à la fois plus d’impatience et un besoin de réassurance grandissant sur la partie colis. Quand on attend un colis, on est à la fois pressé de le recevoir et on a toujours une petite angoisse de savoir si « tout va bien se passer ». Nous voulons réussir à supprimer complètement cette petite pointe d’angoisse ! Nous travaillons donc beaucoup sur la proactivité de l’information et de nos services.
Du côté des clients professionnels, nous travaillons par exemple à des prises de rendez-vous en bureau de poste, des créneaux de réservation pour les dépôts de colis déjà affranchis, ou encore des alertes SMS de non-affluence pour accélérer leurs dépôts ou retraits de colis. Pour cela, il faut savoir mieux utiliser les volumes de données et de flux disponibles. C’est aussi un énorme chantier indispensable à une omnicanalité efficace aujourd’hui.

« Nous essayons d’apporter de plus en plus des services personnalisés, permettant une plus grande fluidité entre le digital et l’espace physique. »

Il y a aussi un sujet que je trouve vraiment intéressant, c’est tout ce qui est lié à la sobriété numérique. Pour nous, elle se traduit par un retour à la simplicité de l’accès à l’information, sur le Web, sur les applications et même dans un lieu physique, à la cohérence des informations qu’elles soient distribuées en ligne ou dans le bureau de poste et à un choix raisonné du nombre d’informations qu’on délivre aux clients. Cette sobriété a des conséquences à la fois sur la hiérarchie de l’information et des services et sur les process opérationnels pour réussir à ne pas saturer le client par trop de sollicitations ou trop d’informations.

Cela passe notamment par le fait de repenser la page d’accueil de Laposte.fr : il ne s’agit pas d’en faire une vitrine exhaustive dans laquelle chacun vient proposer ses services. Au contraire, il faut que cette page reste au service de chaque client, venu se connecter parce qu’il cherche quelque chose de précis sur les moteurs de recherche. C’est là où le compte client et son authentification deviennent clés. Cela va presque à l’encontre de certaines cultures digitales datées de 20 ans ! Par exemple, cela implique forcément aussi une sobriété esthétique du site, avec moins de fonctionnalités « tape-à-l’œil », tout en permettant l’accès à la liste de l’ensemble des services. Mais on constate pour le moment en interne une vraie appréhension à « déshabiller » notre site et à en décliner différentes versions. La façon dont on se projette en termes d’UX doit être nourrie par cette nécessaire sobriété.

En somme, notre positionnement sur l’omnicanalité se concentre sur tout ce qui peut faire gagner du temps, rassurer le client, anticiper ses demandes, lui simplifier et lui personnaliser l’accès aux services.

Quelques mots pour conclure sur votre stratégie omnicanale ?

Notre feuille de route est dense et passionnante : de la création de la direction de la transformation, au travail sur la data IA qui incombe à notre branche, en passant par de nouveaux modèles d’applications que nous allons lancer pour la rentrée 2021, très axés services, et par le lien fait avec le bureau de poste physique… Avec une ambition partagée : tout faire pour se rapprocher de plus en plus des clients et leur simplifier la vie.

Propos recueillis par Stéphanie Çabale, directrice associée

Photographie : Sylvie Latour

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La co-canalité ou les (deux) versants d’une même expérience

Cette dernière année n’aura pas seulement été celle de l’accélération digitale : elle est aussi, enfin, celle de l’omnicanalité : les consommateurs affichent leur envie de profiter du meilleur de chaque canal, virtuel ou IRL et de le choisir quand ils le veulent ! Les défis pour créer et faire vivre durablement cette omnicanalité sont encore nombreux. Et un risque émerge : traduire l’omnicanalité par « tout, partout » et aplanir la singularité, la valeur et la force de chaque canal. Dans son origine latine, Omni, c’est « tout » et c’est aussi « chacun ». Alors à l’omni-, nous préférons le « co » : co-llectif, co-llaboration, co-création. Et nous militons pour que dans le tout de l’omnicanalité, chaque espace virtuel et IRL fasse équipe et joue son meilleur rôle tout en trouvant sa juste place pour marquer ensemble. C’est ce que nous appelons : la co-canalité.

Multi, cross, omni-canalité, où est l‘efficacité ?

La multi-canalité est née avec le numérique. En effet, la possibilité qu’ont eue les marques de diversifier leurs canaux comme créer un site internet, une page Facebook ou communiquer par mail les a plongées dans le grand bain du multicanal. D’abord une innovation, elle est rapidement devenue une obligation. Pour preuve : les pure players digitaux se sont mis à investir dans « le dur » en ouvrant des espaces physiques, des showrooms ou des espaces de vente, à l’instar d’Amazon et de ses librairies Amazon Books ou de ses supermarchés Amazon Fresh. Cette démarche en avant phygitale a contribué à intégrer l’ensemble des canaux on et offline.

De solistes plus ou moins efficaces, les canaux se sont mis à jouer en équipe : les enseignes ont progressivement mis le consommateur au centre de leurs réflexions marketing. C’est ainsi qu’est née l’omnicanalité. Son principe : utiliser les canaux comme des moyens interconnectés afin d’unifier l’expérience client. Nombre d’entreprises s’y essaient par exemple en équipant leurs vendeurs de tablettes, leur donnant ainsi accès à l’historique d’achat du client off et online, ou encore en proposant les mêmes fonctionnalités en boutique physique et en ligne. C’est ainsi que la marque Lipault permet par exemple de personnaliser ses valises sur son site e-commerce ou dans sa boutique du 16e arrondissement, dans les deux cas sous les mêmes conditions tarifaires.
Et si nous vous disions que l’on pouvait aller encore plus loin ?

La co-canalité c’est faire que les canaux se répondent enfin

L’omnicanalité, toujours aussi pleine de potentiel, ne semble toutefois pas encore tenir toutes ses promesses. Pour reprendre notre exemple de personnalisation chez Lipault : si ce service y est possible, il ne l’est que dans un seul de ses magasins en France et choisir ce service, sur son site e-commerce, prolonge le délai de livraison de plusieurs jours. La priorité pour les marques est donc de pousser et perfectionner ce concept en se dotant des moyens et outils nécessaires pour proposer un parcours réellement sans couture. C’est ce que nous nommons la co-canalité : faire que les canaux jouent leur propre partition dans un même match avec un même but, qu’ils puissent se compléter, se répondre et se correspondre au plus près l’un de l’autre pour finir de placer le client et ses besoins au cœur des parcours de consommation.

Développer votre co-canalité : A chaque usage, ses canaux, ses types de services. A chaque client, sa liberté, sa préférence.

C’est en proposant sur « un autre canal » une équivalence ou une alternative rapide, pratique et efficace que cet idéal pourra être atteint et saura, en plus d’unifier l’expérience client, l’adapter et la sublimer. Certaines enseignes vont dans ce sens et déclinent l’ensemble des services et interactions sur tous les canaux. Finies les files d’attente pour discuter avec un conseiller ou payer ses achats, demain il sera possible de choisir l’alternative digitale à chaque point de douleur du parcours. A l’inverse, le e-commerce prendra des allures d’expérience physique avec autant de sensorialité que possible : live-shopping, test de produits gratuitement depuis chez soi, cabines virtuelles, échanges en direct avec des vendeurs boutiques… Et évidemment, à chaque interaction en boutique ou en ligne, il s’agira de continuer à capter des informations complémentaires qui permettront d’appréhender et de servir toujours un peu mieux chaque client.

Accompagné dans ces parcours fluides et efficaces, quels que soient les moyens qu’il choisit pour chercher, se renseigner, essayer, acheter, recommander, changer d’avis ou encore le donner, le client n’en sera que davantage reconnu et … reconnaissant : par-delà la multiplicité des canaux, c’est une relation de proximité, simple, pratique et multi-facettes qui devient désormais possible.

La force de la co-canalité, c’est donc de savoir profiter de la singularité et des points forts de chaque canal. Elle pourrait alors se définir comme l’activation juste du canal adéquat à chaque moment d’interaction. C’est ainsi que les canaux dans leur ensemble, mais chacun dans son rôle, peuvent exprimer l’expérience unique que la marque doit faire vivre à chacun de ses clients. Il est aujourd’hui capital pour les marques et les enseignes de parfaire leur approche omnicanale en définissant les quelques forces sur lesquelles leur expérience va exprimer sa singularité et les rôles que chaque canal doit y jouer. Comment les enseignes s’organisent-elles afin de répondre à cet enjeu ? Comment inspirer l’expression de votre co-canalité ? Découvrez des exemples dans notre prochain article !

Alexia Hatchuel, Consultante et Stéphanie Çabale, directrice associée

Illustrations : Vince Fleming, Steven Skerritt

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